Nice, plage du centenaire, dimanche 30 juin 2019, 6h25.
C’est le jour J, l’heure du grand départ. 2600 personnes attendent avec impatience d’être libérées par le signal qui donnera le top départ et permettra aux pros de s’élancer en premier.
Mais finalement, ce départ, pour moi, a eu lieu avant, bien avant...
Tout commence quelques années plus tôt. J’entends parler de triathlon, et de l’Ironman de Nice. Je cherche à savoir de quoi il s’agit concrètement, et en voyant ce que cette épreuve propose aux athlètes, j’en ai le souffle coupé. Ces gens sont fous, et je trouve que réaliser cet exploit est admirable. Oui, je suis admiratif de gens que je ne connais pas. Alors rapidement, l’idée fait son chemin dans ma tête. Moi aussi, un jour, je voudrais m’admirer. Pas par narcissisme, mais plutôt qu’admirer des inconnus en me pensant incapable de faire comme eux, je veux être de la partie un jour, et m’admirer, être fier de moi. C’est décidé, l’Ironman de Nice sera un objectif de vie.
Sauf qu’entre le rêve et la réalité, le chemin est parfois long. Je mets cette idée de côté, jusqu’au jour où j’entends parler du triathlon de Paris et de sa distance olympique. L’idée de me lancer dans le triathlon refait surface et je m’intéresse donc à ce triathlon de Paris. Nous sommes à la fin du mois de mars 2015, et c’est à ce moment là que mon aventure pour Nice va réellement démarrer...
Je décide donc de m’inscrire, sans vraiment bien connaître la discipline ni les rouages qui permettent d’être familier et à l’aise avec ce sport si particulier qui cumule 3 disciplines successives. C’est parti pour 3 mois d’entraînements intensifs, où je ne vivrais que pour ça.
Je ne sais pas nager le crawl, mais je ne le sais même pas, je pense que je nage correctement. Je n’ai pas de vélo de route, je n’en ai même jamais fait. Mais ce n’est pas grave, je vais en trouver un d’occasion et puis après tout, je sais quand même faire du vélo, c’est pareil avec un vélo de route. Pour la course à pied, ça devrait aller, je cours modestement mais régulièrement.
Peu de temps avant le jour du départ, j’apprends qu’il existe un club de triathlon juste à côté de chez moi. Naïvement, je ne savais même pas qu’il existait des clubs de triathlon ! Avec le recul, cette anecdote ( et ma naïveté ) me font sourire. Je prends contact avec le club, Beaumont Triathlon, qui m’accueille à bras ouverts. Plus tard, je comprendrais que c’est bien plus qu’un club. Je partage deux entraînements avec eux avant la course, je prends un maximum de conseil, et c’est parti, le 5 juillet 2015, je m’élance pour mon premier triathlon, distance olympique. Une expérience fabuleuse, riche en émotions. À peine rentré à la maison, j’en redemande et cherche un nouveau défi. Cette fois-ci, c’est sûr, l’objectif IronMan de Nice est bel et bien lancé. À la rentrée de septembre 2015, je m’inscris au club de triathlon et je me donne 4 ans pour être prêt. L’Ironman de Nice tombe fin juin, comme mon anniversaire. Ce sera mon cadeau, ma façon de fêter mes 30 ans. Le rendez-vous est pris, en juin 2019 je prendrais le départ de l’Ironman de Nice.
4 ans, c’est long, mais 4 ans, ça passe vite, très vite. Encore plus quand la première année est gâchée par une douleur récurrente au genou, m’empêchant de faire du sport correctement, parfois même m’empêchant d’en faire, tout simplement.
Et puis pour Nice, il va falloir investir dans un vélo, alors pour s’offrir ce beau cadeau, va falloir travailler pendant les vacances. C’est aussi ça, avoir un objectif de vie : être prêt à faire les sacrifices nécessaires pour arriver à ses fins.
Me voilà donc à la rentrée 2016 avec un genou guéri et un vélo tout neuf. L’aventure peut reprendre, je suis de nouveau sur la route de l’Ironman de Nice.
Pendant un an et demi, je vais m’entraîner dur, essayer d’apprendre à nager convenablement à défaut de viser l’excellence, la natation étant une discipline avec laquelle j’ai du mal à me familiariser, où je prends peu de plaisir. Malgré les progrès, ça reste, la plupart du temps, une contrainte de m’entraîner dans cette discipline. Je commence à beaucoup rouler en vélo, et contrairement à la natation, je prends énormément de plaisir et les progrès sont flagrants. Je continues à courir, de manière beaucoup plus structurée qu’avant, et là aussi, les progrès sont visibles. Il n’y a pas à dire, être dans un club est une valeur ajoutée non négligeable. Sportivement, mais aussi humainement.
Pendant cette période, je commence à enchaîner les petits triathlons ainsi que des courses pédestres ( cross, 10 km, trail... ). L’objectif de Nice commençant à se rapprocher sérieusement, je décide de commencer les longues distances en 2018, avec notamment un trail de 45 kms en mars et un half Ironman en juin. Un autre half viendra compléter cette première année sur des distances plus longues, cette fois-ci en équipe, au mois de septembre.
2018 sera donc une bonne année sportive pour moi, de bon augure pour l’Ironman de Nice en 2019. Et l’année 2018 fut également bonne, très bonne, sur le plan personnel et surtout sentimental. C’est en effet cette année-là que j’ai trouvé l’amour. Sincère, véritable. Celui qu’on recherche tous, qu’on rêve tous d’avoir.
Vous me croirez ou non, mais cet amour jouera un rôle déterminant dans mon objectif. On dit que l’amour donne des ailes, je vous confirme que c’est le cas. Et ça va même bien au delà de ça. Cette fille formidable qui me comble de bonheur et qui me pousse à être meilleur chaque jour, je l’ai connue... au club de triathlon ! Comme une évidence...
Voilà, le travail d’apprentissage d’avant la préparation spécifique à l’Ironman de Nice touche à sa fin. Un nouveau petit mois de travail pendant les vacances pour me permettre de faire face au coût ( un peu trop ) élevé d’un Ironman labellisé, un petit tour sur le site de l’épreuve, et ça y est ! Me voilà inscrit ! Nous sommes à la fin du mois d’août 2018, et dans 10 mois je prendrais le départ de cette épreuve qui me fait tant rêver !
Maintenant, il va falloir s’entraîner durement, méthodiquement et rigoureusement. Pour cela, je trouve sur internet un plan d’entraînement spécifique pour réaliser l’Ironman de Nice, programme proposé par Guy Hemmerlin, spécialiste du coaching Ironman. Son plan se déroule sur 31 semaines, ça va être long, il va donc falloir recharger les batteries avant de repartir pour plus de 7 mois d’entraînements. Et quoi de mieux qu’un voyage en amoureux pour recharger les batteries ?
C’est parti pour une semaine à Barcelone, avant d’attaquer cette préparation, dernière ligne droite d’un parcours commencé presque 3 ans et demi plus tôt...
Lundi 26 novembre 2018. C’est ce jour-ci que commence le plan d’entraînement, c’est ce jour-ci où je me sens vraiment entrer dans la course. C’est parti pour 31 semaines de sport, 31 semaines de travail foncier, de montée en puissance, de charges lourdes, 31 semaines qui m’amèneront réaliser mon rêve. Et au delà de l’entraînement physique, il y a aussi l’hygiène de vie qu’il faut surveiller. Pas toujours évident quand on aime la nourriture, quand on aime sortir voir des amis. Il a parfois fallu se restreindre, voire même se priver de sortie pour ne pas manquer l’entraînement du lendemain matin, mais je ne voulais pas non plus trop me pénaliser dans ma vie personnelle. Il m’arrivera donc de louper des entraînements, mais je vais globalement réussir à bien tenir ce plan. Un plan où je note tous les entraînements effectués ( une première pour moi, idée lumineuse de ma chérie, omniprésente dans ma préparation ) en plus des données enregistrées sur Strava.
Les semaines passent, le plan se déroule bien dans sa globalité, malgré quelques soucis mécaniques qui me priveront de mon vélo pendant quelques jours, sur deux périodes. Je me sens de mieux en mieux, nous voilà en mai, il est donc temps de se tester sur un L. Je récupère le dossard d’un copain du club, malheureusement blessé, et c’est parti pour une course avec plusieurs membres de Beaumont triathlon !
Nous sommes le 12 mai, et le printemps a du mal à se montrer présent, du coup l’eau n’est même pas à 14°... ça va être compliqué, mais il faut passer par là pour réussir à Nice ! J’ai du mal à me mettre à l’eau, et pour ne pas geler en attendant le départ, je me jette à l’eau quand j’entends " départ dans 5 secondes ! ". Bon, là j’avoue que j’ai peut-être un peu trop attendu. L’eau est très froide et me glace le sang. Je nage tranquillement, j’essaye de me réchauffer un peu avant de mettre la tête sous l’eau, puis je me mets enfin à nager correctement. Je suis satisfait de ma natation qui se passe sans encombre mais avec un chrono pas suffisamment bon pour sortir dans le cœur du peloton. Ce n’est pas grave, je vais me rattraper sur le vélo, comme à chaque triathlon.
Après un très bon vélo, la course à pied démarre plutôt bien, puis une douleur au genou vient tout gâcher. Je vais finir les deux derniers tiers de la course en courant sur une jambe, mon mental refusant tout abandon de ma part. La fin de course est compliqué et je serais pris en charge par l’équipe médicale dès la ligne d’arrivée franchie. Un tour chez l’ostéopathe le lendemain, une semaine de repos, et je reprends l’entraînement.
La douleur semble derrière moi et ce n’est plus qu’un lointain souvenir, les entraînements s’enchaînent et je vais faire une chose à laquelle jamais je n’aurais imaginé participer un jour : une course de 3 kms de natation. Uniquement de la natation. Il faut en passer par là pour se rassurer pour Nice. Alors c’est parti, sauf qu’au bout de 150 mètres, j’ai envie d’abandonner. Je n’arrive pas à respirer, je ne me sens pas à l’aise, je trouve ça trop long et je me dis que je n’y arriverais jamais. Je pense à Nice et ça me fait paniquer de me sentir incapable... Une personne me voit en difficulté, reste avec moi, me rassure, ma crise d’asthme finit par passer, et me voilà reparti. Le reste se passera très bien et je sortirais de l’eau rassuré et satisfait. Parfait.
Cette course de 3 kms de natation fait suite à une sortie vélo de 170 kms enchaînés avec 10,5 kms de course à pied effectués deux jours plus tôt. Je me sens prêt, et nous sommes début juin. Le mois va être très long. Surtout que tous les partenaires du club auront leur Ironman deux semaines avant moi. Je vais languir et devoir attendre. Suivre leur course sera excitant, les écouter raconter leur course, écouter leur conseil, sera très intéressant et enrichissant. Une belle manière de terminer ma préparation. J’entame la dernière semaine, la plus calme sportivement, mais la plus excitante ! Je trépigne d’impatience et j’ai hâte d’y être. Et visiblement, la canicule a aussi envie d’y être. Elle a décidé de s’inviter sur cette dernière semaine de juin 2019. Je ne prends pas ça comme une contrainte, j’aime la chaleur et la supporte plutôt bien.
Jeudi 27 juin 2019.
Ça y est, j’ai 30 ans ! Et dans 3 jours, je vais vivre mon rêve, m’offrir mon plus beau cadeau !
L’aventure niçoise commence ce jeudi soir. Je descends à Nice en voiture avec ma chérie, et nous décidons de partir le jeudi soir pour couper la distance en deux et ne pas avoir trop chaud en roulant de soirée/nuit. On roule jusqu’à Châlon sur Saône puis on s’arrête dans un hôtel. On repart le vendredi matin après un bon petit déjeuner, et en partant, problème : un voyant s’allume, annonçant une anomalie moteur. Rien de rassurant quand on a presque 600 kms de voiture à faire sous plus de 40°... On prend la route malgré tout et on finira par s’arrêter dans une concession à Montélimar. Finalement, c’était un problème bénin, réglé en moins d’une heure et demie. On finit par arriver sur Nice et devant notre hébergement à 20h. En attendant le propriétaire, je jette un coup d’œil à mes mails, et je vois que j’en ai un venant de la direction de course de l’Ironman. Je le lis et là, pour moi, c’est le drame. Ils annoncent qu’après de grosses négociations avec les autorités locales, la course aura bien lieu ( une annulation était visiblement souhaitée par les autorités ) mais avec des distances réduites en vélo et en course à pied. Les conditions climatiques et la pollution rendent la course dangereuse pour la santé des athlètes, et on ne rigole pas avec la santé. On passe donc de 180 kms de vélo à 152 kms, et de 42 kms de course à pied à 30 kms. Les 3,8 kms de natation sont toujours présents pour démarrer la course. Je suis extrêmement déçu, j’ai l’impression qu’on m’empêche de vivre mon rêve de manière complète. Je ne cherche pas à savoir si c’est une bonne nouvelle pour ma santé, je suis juste dépité et en colère. J’ai du mal à me remettre de cette nouvelle.
Nous prenons possession de notre logement puis allons au village d’exposition. Bonne nouvelle, le logement est encore plus proche du départ que ce que je croyais, c’est un point positif non négligeable, et être proche de départ était la condition prioritaire.
Cette petite balade au village d’exposition me permet de me plonger doucement dans l’ambiance.
Le lendemain, on part retirer le dossard, le fameux sac " offert " par l’organisation, et je prends des renseignements sur le nouveau parcours vélo. Le dénivelé positif n’a pas changé, ils ont retiré du plat et de la descente.
On rentre au logement et il est temps pour moi de préparer mes affaires de course pour les amener au parc à vélo. Et là, en ouvrant l’enveloppe du dossard, je tombe sur des lettres envoyées par mes proches. Quelle surprise ! Je ne savais même pas que c’était possible. Je lis les lettres, très touchantes, très émouvantes, et je comprends à quel point je suis soutenu par mes proches, qu’ils comprennent à quel point c’est important pour moi, et surtout, à quel point ils sont fiers de moi. Pour la première fois, je craque.
Une fois les affaires prêtes, il me faut aller récupérer le vélo à la voiture, regonfler les pneus, et partir à proximité du parc à vélo. J’ai prévu de faire un petit tour de vélo avant de le déposer, histoire de faire tourner les jambes, de me dégourdir un peu. Et alors qu’on marchait en poussant le vélo, soudain, le pneu éclate ! Chambre à air et pneu ! Heureusement, un atelier de réparation de vélo est présent sur le village d’exposition. Je leur apporte le vélo et ils me mettent une nouvelle chambre à air et un pneu neuf. Une fois le vélo récupéré, je pars faire mon petit tour de vélo, à la recherche d’un magasin de triathlon, ayant oublié de prendre des pâtes de fruits avec moi à Nice. Il serait judicieux que j’en trouve, élément important de mon alimentation sur le vélo.
Après avoir trouvé mon bonheur, je pars retrouver ma chérie et on va au parc à vélo pour déposer les sacs de transitions et le vélo. Les organisateurs nous font signer une décharge disant qu’on accepte de participer malgré les conditions. Étonnant vu qu’ils ont déjà réduit les distances, ça aurait été logique s’ils avaient gardé les distances initiales. Mais bon, ce n’est qu’un détail et cette réflexion est le fruit de ma frustration due à la réduction des distances.
Une fois tout en place, on entend le speaker de la course dire que Camille Lacourt va sortir du parc à vélo. On décide donc d’attendre pour le voir un peu, ce n’est pas tous les jours qu’on voit un tel champion ! Après ça, je pars courir un petit peu, toujours dans l’optique de me dégourdir les jambes. Puis un petit tour dans la mer, histoire de prendre la température de l’eau, qui est chaude. J’avais peur que la combinaison de natation soit interdite pour la course ( interdite par le règlement si la température de l’eau est supérieure à 24° ), mais finalement il n’a jamais été question de ça. Heureusement pour moi.
Maintenant que tout est en place, il ne me reste plus qu’à préparer mes sandwichs, qui me seront très utiles sur le vélo, bien manger, et aller me coucher pas trop tard pour être en forme le lendemain. Car le lendemain, ça y est, ce sera le jour J ! Ce jour tant attendu ! L’excitation ne perturbera pas mon sommeil, et c’est une bonne nuit qui m’attend. C’est une bonne chose, une bonne nouvelle.
Nous sommes le samedi 29 juin, il est 22h15, je coupe tout et au réveil, le plus grand défi de ma vie se présentera à moi !
Dimanche 30 juin 2019.
Nous y voila. Il est 4h15, le réveil me sort du lit. Un bon petit déjeuner, j’enfile ma trifonction, je relis les lettres, puis c’est le moment de partir. Une fois arrivé sur place, je dépose mon sac de ravitaillement vélo contenant mes sandwichs dans un camion prévu à cet effet ( ils déposeront les sacs au ravitaillement qui se trouve au sommet du col de l’Ecre, la grosse difficulté de la journée ). Puis je vais au parc à vélo pour mettre mes gourdes sur mon vélo, je gonfle mes pneus, et là, première frayeur, il y a un pneu que je n’arrive pas à gonfler. J’essaye de rester calme et demande l’aide d’un autre athlète. Une fois ce problème réglé, il est temps pour moi de retrouver ma chérie avant de quitter le parc à vélo et de rejoindre les autres athlètes sur la plage. Je pense revoir ma chérie en y allant, mais je comprends vite que ce sera mission impossible. C’est noir de monde. Il est 6h du matin et il y a déjà énormément de public présent. C’est incroyable, inimaginable. Cette atmosphère me donne des frissons, et c’est à ce moment là que je commence à prendre conscience de ce qui va suivre, de ce que je vais réaliser. Mon rêve prend forme, je rêve éveillé, c’est magique. Après avoir cherché ma chérie dans cette immense foule pendant cinq minutes, en vain, je me dirige définitivement sur la plage. C’est un départ par vagues, en fonction du temps estimé pour la natation. Je choisis la vague " -1h29 ". Un temps que je m’estime capable de réaliser, chose inimaginable il y a dix mois, quand je me suis inscrit. Je prends conscience de mes progrès, et je me sens confiant pour cette natation qui m’attend. Contrairement à mes précédents triathlons, je n’ai aucune appréhension avant d’aborder cette première partie de l’épreuve.
Je continue désespérément de chercher ma chérie du regard, elle devrait pourtant être facilement identifiable, elle a préparé une grande pancarte d’encouragements, avec mon prénom et mon numéro de dossard ! Une vraie supportrice au top. Je finis par la voir, debout sur un muret, pancarte levée. C’est un soulagement de la voir avant de partir. Elle finit par me repérer au milieu des autres athlètes et vient à ma rencontre pour un dernier bisou, un dernier mot d’encouragement et une petite photo.
Il est 6h25. L’heure à laquelle la course commence pour les pros. Le speaker annonce qu’il y aura deux minutes de retard. 6h27, les pros s’élancent. Les femmes pros suivent une minute plus tard.
Puis à 6h30, la première vague des amateurs se jettent à l’eau. Nous sommes comme dans une file d’attente à Disneyland Paris. On avance à petits pas, on piétine, on attend notre tour avec impatience. Je vais partir bien après les premiers, à 6h49, étant dans l’avant dernière vague de départ.
Pendant cette longue attente, le speaker anime, encourage les athlètes, c’est une ambiance incroyable. Il voit ma chérie avec sa pancarte, et fais un appel micro en disant que " Vincent est encouragé par la plus belle fille de Nice ". Je lève les bras pour me signaler mais il ne me voit pas. En arrivant à sa hauteur, c’est fièrement que je lui dis que je suis le Vincent en question.
Tous les athlètes continuent leur marche vers le départ, un peu à la manière de la marche de l’empereur. Un petit virage à gauche, et ça y est ! La mer se présente à moi ! Il est 6h49, et je me jette enfin à l’eau ! La course commence enfin.
L’eau est très bonne et je n’ai aucune difficulté à rentrer dedans. Je me mets immédiatement en crawl et j’installe ma nage et trouve tout de suite mon rythme. Je me sens bien, pas essoufflé contrairement à tous mes autres départs natation. Je suis agréablement surpris. Le premier kilomètre se passe bien, je ne le vois pas passer. Le second kilomètre aussi se passe bien, et je regarde mon chrono : 41 minutes et 44 secondes pour 2000m. Je n’imaginais pas voir un si bon chrono, je suis très content, surtout que je ne ressens aucune fatigue. Je me dis que je vais finir la natation en 1h20-1h25 si je continue comme ça, et ça me motive pour la seconde partie de course.
Les bouées sont rouges, les bonnets sont rouges, ce n’est pas évident pour bien se repérer dans l’eau. Et le soleil, bas à cette heure ci, n’aide pas à bien voir. Et sur la fin de la première boucle, je fais une erreur de parcours en visant une mauvaise bouée. Ça me rajoute de la distance et me fait perdre du temps mais ce n’est pas grave. Je reprends ma route et termine cette première boucle. Au début de la seconde boucle, je fais une petite pause, je cherche à voir combien de bouées il y a avant le prochain virage. Je repars, et après 3 kilomètres de nage, je commence à ne pas me sentir bien. Je m’arrête et une bénévole voit que ça ne va pas trop. Elle se rapproche de moi et je m’appuie sur son canoë. Je lui demande si elle n’a pas de l’eau. J’ai besoin de boire et de me rincer la bouche car le goût du sel commence à devenir difficilement supportable. Elle me prête sa gourde, ça semble aller mieux, alors je repars. Puis 200m plus loin, je me sens à nouveau pas bien. Je m’arrête, et là, problème : je suis pris de vomissements. Une fois, puis deux, puis trois fois... J’entends un concurrent qui, derrière moi, a le même problème. Une bénévole interpelle les pompiers pour qu’ils puissent intervenir. Un pompier arrive, m’encercle avec un bras et me tire jusqu’au bateau qui se situe derrière nous. Un collègue à lui vient lui prêter main forte, puis ils me montent sur le bateau. Ils me demandent ce qu’il s’est passé, me disent de prendre le temps de souffler, de récupérer. Ils me font boire, j’en profite pour me rincer la bouche. Ils me demandent comment je me sens, et l’un d’eux me dit " de toute façon là, c’est fini ". Et là, c’est la stupéfaction ! Je lui dis que non, ça va, je vais repartir. Je ne me suis pas senti bien à cause de l’eau trop salée, mais ça va, je peux et je vais repartir ! Ils sont surpris, me demandent si je suis sûr, et vérifient que j’aille bien. Le poste de contrôle, situé dans un gros bateau derrière nous, qui communique par talkie-walkie, s’inquiète aussi de mon sort et pense également que c’est terminé pour moi. Les pompiers leur dit que ça a l’air d’aller et que je vais repartir. Le poste de contrôle insiste pour être sûr que je sois en état de repartir, pas question de prendre de risque. Réponse positive des pompiers, ils me donnent le feu vert pour continuer la course. Le poste de contrôle derrière nous leur indique qu’il va falloir être vigilant à ma remise à l’eau car normalement quand on monte sur le bateau, c’est synonyme de fin de course, et une remise à l’eau entraîne une disqualification. Il faut donc ne pas se faire attraper par l’arbitre qui est sur un canoë, non loin de l’endroit où je vais repartir... Les pompiers me ramènent là où ils m’ont récupéré, puis je me remets à l’eau. L’arbitre ne m’a pas vu, je peux terminer cette partie natation qui s’est transformé en calvaire. Je nage tant bien que mal sur cette dernière ligne droite qui me ramène sur la plage. Je sors de l’eau en 1h44... Cette galère m’en aura fait perdre du temps ! En sortant de l’eau, je suis vidé par tout ça, je reste un moment sous les douches, je me rince bien le corps et surtout le visage et la bouche. Je vois ma chérie qui m’encourage, essaye de me rebooster, mais je suis K.O debout. Je lui raconte brièvement mes aventures maritimes puis je pars chercher mes affaires vélo, en marchant. Je prends mon temps pour mettre mes affaires de cycliste, je bois pas mal grâce à une bouteille donnée par une bénévole, et juste avant de repartir, cette même bénévole me met de la crème solaire. Faut dire qu’avec la chaleur annoncée, ça va cogner sur le vélo, et un peu de protection n’est pas de trop. Je pars chercher mon vélo, que je trouve très facilement dans ce parc à vélo bien vide... Je le prends et commence à me diriger vers la sortie, toujours encouragé par ma fidèle supportrice, quand une arbitre me fait la remarque que... je n’ai pas mon dossard ! " Normalement, si je ne vous dis rien et vous laisse partir comme ça, je vous mets un carton jaune monsieur ! ". J’ai eu de la chance sur ce coup-ci, quelle tête en l’air ! Comment ai-je pu oublier une chose si importante qu’est mon dossard ? Je repose mon vélo sur le premier emplacement que je trouve, et retourne à mon sac pour chercher le dossard. Il m’attendait gentiment au fond du sac. Je le mets puis je pars récupérer mon vélo. Derniers encouragements de ma chérie avant de partir pour un moment, un long moment...
Me voilà parti sur le vélo. La partie que j’attendais le plus. Je n’ai jamais gravi de col, et il parait que le parcours n’est pas simple, avec un joli col à monter. J’avais hâte ! Et puis l’arrière pays niçois, c’est quand même des paysages magnifiques ! Je commence donc cette partie vélo, en étant déjà très loin dans le classement, il reste peu de monde derrière moi. Mais ce n’est pas un problème, à chaque triathlon c’est la même histoire, je finis loin en natation et je fais une belle remontée en vélo. Sauf que cette fois-ci, les distances ne sont pas les mêmes et il va aussi falloir gérer. Surtout avec ce col et la chaleur. Je commence ma remontée en doublant plusieurs athlètes, puis au 7e kilomètre, j’entends un gros bruit. Comme un pétard. Vu le bruit, je ne pense pas à une crevaison. Mais mon vélo ne réagit plus de la même manière et force est de constater que j’ai crevé, déjà. C’est rageant, j’ai fait 7 mois de préparation, roulé des milliers de kilomètres, sans avoir une seule crevaison, et là je crève la veille sans être sur le vélo et le jour le plus important au bout du 7e kilomètre. Je commence à sortir mes outils pour changer de chambre à air. Je suis à un croisement de carrefour et la route est barrée, et un couple de touristes vient me demander son chemin ! Des policiers présents sur le carrefour viennent à mon secours en faisant partir la voiture, leur expliquant que je suis un athlète en pleine course et qu’ils doivent me laisser tranquille. Circulez, y’a rien à voir ! Du coup, dans son élan de solidarité, le policier vient m’aider pour changer la roue. C’est un exercice que je n’apprécie pas trop, mais je m’en sors mieux qu’à une certaine période où je n’y arrivais et perdais vite patience. Le policier m’aide mais n’est pas trop habitué non plus au changement de chambre à air, mais une aide ne se refuse pas. Cette crevaison me fait tout de même perdre entre 12 et 15 minutes... Je repars, en priant pour ne plus crever car je n’avais qu’une seule chambre à air de secours. Me voilà encore plus bas dans le classement de la course, et je me dis que ça ne va pas être marrant d’être si loin du cœur de la course, là où j’aurais dû normalement être. Je reprends la route et recommence ma remontée. La première difficulté du parcours se dresse devant moi et je vois déjà des concurrents en difficulté. Je me sens bien et ça me motive à faire encore plus. Dans la descente qui suit cette petite montée, au 34e kilomètre, j’entends un bruit de crevaison. Le concurrent juste devant ? Celui qui est juste derrière ? Non, hélas, c’est bien mon vélo qui vient de crever à nouveau. Roue arrière, encore. Je m’arrête et stoppe mon chrono. Car pour moi, c’est une évidence : je vais être contraint à l’abandon. Le chrono ne sert donc plus à rien. Je suis au bord de la route, dans un virage, et il y a une bénévole. Je me dis qu’elle va pouvoir m’aider, m’expliquer la démarche à suivre, car je ne peux pas regagner Nice avec un pneu crevé. Elle appelle son responsable pour lui expliquer la situation, le responsable lui dit qu’il faut que je trouve une chambre à air et que je pourrais repartir. Sauf qu’en regardant mon pneu de plus près, je me rends compte qu’il est un peu déchirer sur le côté. Un pneu neuf de la veille ! Je me dis qu’on a dû l’abîmer en le remontant lors de la première crevaison, je ne vois pas d’autre explication.
Un cycliste qui passait par là s’arrête pour demander son chemin puis me demande ce qu’il m’arrive. Je lui explique et il me dit qu’il va me passer une chambre à air, qu’il ne va pas me laisser abandonner comme ça. Sauf qu’en voyant le pneu il me dit que ça ne sert à rien de remettre une chambre à air neuve, que je vais crever à nouveau dans peu de temps. Il me faut un pneu et une chambre à air neuve. Trouver ça en étant au milieu de nulle part, c’est impossible. J’explique à nouveau la situation à la bénévole, qui me conseille d’appeler quelqu’un pour qu’on me ramène ce dont j’ai besoin. Sauf que je n’ai pas mon téléphone et que je ne connais pas le numéro de ma chérie, seule personne présente sur place pouvant éventuellement m’aider.
La bénévole finit par rappeler son responsable qui lui dit qu’il va bientôt arriver. Pendant l’attente, je repense à tous ces investissements de ces derniers mois, qu’ils soient physiques ou financiers, et je suis dépité de devoir abandonner dans ces conditions après seulement 34 kilomètres de vélo, à cause d’un problème mécanique. Une fois sur place, j’explique la situation au responsable, et après plusieurs minutes de discussion, il me demande si ma décision d’abandonner est ferme et définitive. Je lui dis que malheureusement, oui, je n’ai pas le choix. Il me dit donc qu’il va devoir récupérer mon dossard et signifier mon abandon au PC course. Je lui donne donc mon dossard, et par dépit, je jette mon épingle à nourrice. En attendant, il ouvre son coffre, rempli pour le ravitaillement des bénévoles. Il y a de l’eau, des cannettes de minute maid, des viennoiseries... et il me dit que je peux me servir, prendre ce que je veux. Je me contente d’une canette. Il essaye de joindre le PC course au talkie-walkie une première fois, pas de réponse. Une seconde fois, toujours pas de réponse. Il me dit que ça ne doit pas passer là où on est et qu’on va descendre un peu, jusqu’au prochain ravitaillement, ça passera sûrement mieux et il y aura un responsable de course. On met mon vélo dans sa voiture et il me dit " tiens, récupère ton dossard, on ne sait jamais ". Du coup je récupère le dossard et je retourne chercher l’épingle à nourrice. On part jusqu’au prochain ravitaillement en voiture, et une fois arrivé, je sors mon vélo, et on se dirige vers le responsable de la course. Me voyant pousser mon vélo, il me demande ce qu’il m’arrive. Le responsable des bénévoles, qui m’a amené jusque là, lui explique mon problème de crevaison et de pneu et lui demande si par hasard ils n’auraient pas un pneu pour moi. Et là, sa réponse paraît évidente pour lui " bah oui, bien sûr qu’on a ça ici ! ". C’est un ravitaillement d’eau, de boisson isotonique, et de nourriture, mais pour lui c’était évident et logique d’avoir également des pneus et des chambres à air ! Un miracle vient de se produire ! Il me demande quelle taille de pneu je veux, 23 ou 25. Je réponds 25, et là il s’excuse de n’avoir qu’un pneu Michelin d’une gamme inférieur au mien ! Cet homme est incroyable ! Même le premier prix, je prends ! À partir du moment où je peux repartir, la marque du pneu m’importe peu. Et là, les bénévoles vont aussi être incroyables. Ils vont me prendre mon vélo, me dire de boire, manger, souffler, et qu’ils vont s’occuper de tout. Ils se mettent à trois sur le vélo et ils vont changer le pneu en un temps record. Ils regonflent et se rendent compte que la chambre à air est crevée. Ça me paraissait évident, logique, mais ils n’avaient pas fait attention. Du coup ils démontent à nouveau le pneu, change la chambre à air et remonte le tout. Toujours aussi rapidement.
Pendant ce temps, je mange un peu, bois de la boisson isotonique, car il n’y a plus d’eau sur ce ravitaillement. Mais le responsable des bénévoles, toujours présent, à des bouteilles d’eau dans sa voiture et il part m’en chercher une. Je remplis ma gourde, je bois, et je la remplis à nouveau pour qu’elle soit pleine quand je repartirais, et je remercie le responsable des bénévoles pour tout ce qu’il a fait. Il me dit en rigolant " on ne dira à personne comment tu es arrivé jusque là ". Il est vrai que faire un peu de voiture, ce n’est pas dans le règlement... mais bon, il devait y avoir moins d’un kilomètre, et en descente, ce n’est finalement pas grand chose.
À ce moment, il y a le bus balais et le camion balais qui arrivent au poste de ravitaillement. Je comprends que je suis dernier et que la course va être longue...
Les bénévoles finissent de remonter mon vélo, et me disent qu’il est un peu plus de 11h et qu’il faut que je sois en haut du col avant 13h. Ils m’ont dit que c’était jouable mais qu’il ne fallait pas traîner. Je les remercie tous pour leur générosité et leur précieuse aide, puis je repars, à fond, car maintenant la course va se faire contre le chrono. En parlant de chrono, je remets le mien en route en repartant, et je ferais la différence avec le chrono final pour voir combien de temps j’ai perdu avec cette mésaventure.
Je termine cette descente, et en arrivant au pied du col de l’Ecre, je vois que la moto balais se met derrière moi. Le pilote se met à ma hauteur et me dit qu’il va rester avec moi, qu’on va faire un bout de chemin ensemble. Je sais que je suis dernier, mais j’ai besoin d’une confirmation officielle, je lui pose donc la question. Sa réponse est sans équivoque. Je lui dis alors " d’accord, alors écoutez bien ce que je vais vous dire : je ne vais pas rester dernier longtemps ". Et me voilà parti à l’assaut du col. La première partie est arborée et ombragée, un détail qui a son importance vu les conditions climatiques. Je me lance à la poursuite des concurrents, qui sont désormais bien loins devant moi, après toutes ces péripéties et ce dernier très long arrêt. C’est une véritable course contre la montre qui commence pour moi. Car au-delà des concurrents que je dois rattraper, il y a un chrono qui tourne et l’arbitre ne fera pas de cadeau aux retardataires.
La route s’élève devant moi, je me régale, et j’espère que mes efforts vont payer, que je vais parvenir à rattraper les concurrents, car j’ai l’impression de faire la course tout seul et c’est assez grisant par moment. Les kilomètres défilent, et soudain, au loin, je vois un concurrent. C’est un soulagement pour moi. Je le double et poursuit ma (re)montée. Un peu plus loin, je croise un autre athlète, assis au bord de la route, sous un arbre. Il m’adresse la parole, en anglais. Ah... ça ne va pas être simple mais on va réussir à se comprendre. Je comprends qu’il veut de l’eau, alors je remplis un peu sa gourde. Ensuite il me demande si ça monte encore longtemps, et si après il y a encore des montées. Je lui dis qu’il reste un peu moins de 9 kilomètres, et qu’après il reste encore une montée, moins longue, mais que je n’ai aucune idée du kilométrage de cette côte. Le tout dans un anglais très approximatif. Je lui souhaite bonne chance et repars grimper les 9 kilomètres me séparant du sommet du col. Je continue à rattraper des concurrents, je n’aperçois plus la moto balais quand je me retourne, j’ai pris une avance conséquente sur les derniers athlètes. Je suis rassuré et je pense que les problèmes sont derrières moi, oubliant que j’ai une barrière horaire à respecter en haut du col ! Pour moi, je suis sauvé tant que la moto balais est loin derrière moi. Comment ai-je pu avoir un raisonnement si naïf ? Je sais pourtant bien que la moto balais n’est là que pour accompagner le dernier mais ne fait pas office de barrière délais !
Je continue mon ascension, et j’arrive à un ravitaillement. Je m’arrête et là, les bénévoles m’annoncent qu’il n’y a plus rien et qu’ils espèrent que je suis le dernier, car c’est vraiment la pénurie et qu’ils ont honte de ne plus rien avoir. Je leur dis qu’il y a 5 concurrents encore. Ils n’ont plus qu’une grande bouteille d’eau, qui devait leur servir pour eux. Ils la sacrifient pour les derniers athlètes et me remplissent partiellement ma gourde. Ils s’excusent, gênés, ne manquant pas de tacler l’organisation, qui avait promis de doubler les quantités aux ravitaillement. Visiblement, ça n’a pas été le cas, et il ne vaut mieux pas être dans les derniers si on veut ne pas finir déshydraté. Heureusement, les bénévoles sont au top. Toujours une solution pour les athlètes, toujours le sourire. Ça fait chaud au cœur. Je repars du ravitaillement, et on entre dans la partie la plus difficile de la course. Ça monte toujours autant, si ce n’est plus, la fatigue commence à se faire ressentir, et le parcours ne comporte plus d’ombre. Le soleil est à son zénith, la chaleur se répercute sur le bitume et la montagne rocheuse. J’ai entre une heure et demie et deux heures de retard par rapport à ce que je prévoyais, je monte cette partie exposée au soleil entre midi et 13 heures, et forcément, le soleil est beaucoup plus chaud, ce qui ne facilite pas les choses.
Heureusement, dans la montée, un bénévole tient un tuyau d’arrosage et mouille les athlètes qui le désirent, et remplis leurs gourdes. Vraiment, les bénévoles sont exceptionnels sur cette course.
Me voilà dans la dernière partie du col de l’Ecre, je remonte de plus en plus d’athlètes, je me sens un peu plus dans la course, bien qu’encore en queue de peloton. Face à la difficulté, certains athlètes marchent et poussent leur vélo, pendant que d’autres montent très difficilement, roulant au pas.
Je vois la route s’élever, je vois les athlètes en petit, au loin, et quand j’arrive à l’endroit où je les j’observais, je me retourne et constate que cette partie monte beaucoup, voyant les autres athlètes derrière moi en contrebas. Les paysages sont magnifiques, et ça valait le coup de monter et de prendre le temps de jeter un œil en arrière.
Un dernier virage en épingle, et des spectateurs posés là informent les concurrents que c’est la fin du col et que le ravitaillement est dans 200 mètres ! J’arrive au ravitaillement, un bénévole me demande mon numéro de dossard pour récupérer mon sac contenant mes sandwichs, une gourde avec de la boisson isotonique, ainsi qu’une banane et des pâtes de fruits. Je décide de manger mon sandwich sur place, mais le bénévole me déconseille de faire ça, car il faut que je franchisse la tente avec l’arbitre, qui se trouve à la fin de la zone de ravitaillement, pour m’assurer d’être dans les délais. En effet, j’avais oublié ce détail important depuis que la moto balais n’est plus derrière moi. Et pourtant, l’heure continuait de tourner. Le délais pour arriver jusqu’au col, c’est 13h. Je regarde ma montre, elle m’indique 12h56. C’était limite... Je m’avance donc jusqu’à la tente où se situe l’arbitre, je prends une bouteille d’eau pour remplir ma seconde gourde vide, puis au moment de repartir, une voiture de ravitaillement apporte de nombreux packs de coca. J’aimerais bien en prendre, mais mes deux gourdes sont désormais pleines. L’arbitre fait la distribution de coca, et je lui demande si ça ne la dérange pas si je bois à la bouteille. Elle me dit qu’il n’y a pas de problème, puis ajoute " par contre, au niveau délais on est juste, je vais devoir stopper les prochains. Donc buvez, je ne vous mets pas la pression, mais une fois que vous avez terminé, je ne veux plus vous voir ici ! ". Message bien reçu ! Je termine de boire, je lui rends la bouteille, je la remercie et pars en disant sur le ton de l’humour " je disparais, on ne s’est jamais vu ! ".
Je repars, soulagé, et je repense à toutes ces péripéties depuis mon départ : vomissements en natation, une première crevaison, une seconde avec le pneu déchiré, j’avais annoncé mon abandon, je réussi à repartir en étant dernier, accompagné de la moto balais, j’arrive en haut du col à 4 minutes du délai... je me dis qu’il ne peut rien m’arriver de pire, que je n’ai plus qu’à profité du reste de la course.
Après une partie descendante, je profite d’une portion de plat pour enfin me restaurer, avant d’attaquer à nouveau une montée. Je continue à doubler des concurrents, et l’un d’eux me regarde avec stupéfaction et me dit " bah dis donc, tu as de la réserve ! ". Effectivement, je me sens bien sur le vélo et je prends plaisir à grimper et à doubler les autres athlètes.
J’arrive en haut de la côte, et un nouveau ravitaillement attend les athlètes. Je m’arrête, je me restaure, je remplis mes gourdes, puis je repars. Et au moment de repartir, j’entends quelqu’un crier mon prénom. Je sais qu’un coéquipier du club est présent sur la course, mais connaissant son niveau, je me dis que ça ne peut pas être lui, qu’il est sûrement déjà bien loin. Je m’arrête, fais demi tour, et constate que c’est effectivement lui. Je suis surpris de le voir là, je lui demande ce qu’il se passe et il m’explique qu’il abandonne, qu’il a fait un malaise, qu’il ne voyait presque plus rien.
Il me dit qu’il a déjà fait des Ironman, mais que là, les conditions rendent la course difficile et qu’il ne peut plus, son corps a dit stop. C’est une sage décision de sa part. Les sportifs ont leur fierté et veulent toujours aller au bout d’eux même, au bout de tout ce qu’ils entreprennent, et ce n’est pas facile de prendre ce genre de décision. Y arriver est une preuve de sagesse et de lucidité. Bravo à lui !
Je lui raconte brièvement mes péripéties et il me dit qu’il va me donner une chambre à air de secours, au cas où. Je lui dis non, qu’il va me porter la poisse ! Il insiste et va chercher une chambre à air. Si je crève à nouveau, j’ai encore un joker.
Voir un visage familier, discuter un peu, ça m’a fait du bien et ça m’a reboosté, maintenant j’ai envie de finir pour moi, mais aussi pour lui, qui n’a pas eu cette chance. Me voilà reparti, prêt à regagner Nice. Les 50 kilomètres restants sont majoritairement de la descente, une petite côte et un peu de plat et de faux plat sur les 10 derniers kilomètres. Je continue à me faire plaisir, à donner tout ce que je peux donner, tout en essayant de garder de l’énergie pour la course à pied. Sur une portion de plat, je commence à manger mon deuxième sandwich, mais une descente se profile très rapidement devant moi. Tant pis, j’ai besoin de manger. Je vais être plus prudent et prendre moins de risque dans la descente. C’est ainsi, que pour la première fois de la course, un athlète me rattrape à vélo. Il me demande combien de kilomètres il reste à faire, et me dit qu’on doit avoir fini l’épreuve vélo avant 16h ! Je lui dis qu’il reste 15 kilomètres et qu’on a 21 minutes devant nous. Mission impossible... mais je ne sais pas pourquoi, j’y crois ! Je me rends compte que j’ai mal calculé et qu’il ne reste pas 15, mais 25 kilomètres ! Je finis mon sandwich rapidement, et reprends un rythme soutenu, faut que j’arrive le plus rapidement possible au parc à vélo. Je largue rapidement mon informateur, mais 10 kilomètres plus loin, je sens que mon pneu avant est sous gonflé. Cette fois-ci, le pneu n’a pas explosé, je n’entends pas d’air s’échapper, je me dis que c’est peut-être une crevaison lente. Je décide de regonfler le pneu et de repartir, plus le temps pour changer une nouvelle fois la chambre à air. Je repars, et un kilomètre plus loin, je suis sur la jante. Cette fois-ci, plus le choix, je dois changer la chambre à air. À ce moment là, je remercie mon coéquipier qui m’a passer une chambre à air. Je vais pouvoir réparer et finir le vélo, alors que sans lui, ma course serait terminée ! Je m’arrête au niveau d’un carrefour, et, une fois n’est pas coutume, un policier vient m’aider. J’en profite pour lui demander s’il connaît les délais pour finir le vélo, il me dit non mais me précise qu’il y a un ravitaillement dans 500 mètres et qu’ils sont sûrement au courant.
Le concurrent qui m’avait informé des délais passe devant moi, me demande ce qu’il y a et je lui explique que c’est terminé pour moi, pensant finir hors délais.
Je termine de réparer, et après dix nouvelles minutes de perdues, une troisième crevaison, je repars, ayant perdu tout espoir de finir dans les délais. J’arrive au ravitaillement, je prends mon temps, et je leur demande s’ils sont au courant pour les délais. Ils me disent que c’est 17h, sans en avoir la certitude. Ça change tout, là j’ai encore la possibilité d’arriver à temps. Mais cette troisième crevaison m’a coupé les jambes, je n’ai plus envie de me faire mal. J’arrive sur la promenade des anglais et je me relève sur le vélo, histoire de bien me détendre et de profiter de ces cinq derniers kilomètres. J’arrive au parc à vélo à 16h43, et ma chérie, qui attend que j’arrive depuis des heures, m’indique qu’étant pari à 6h49 le matin, je dois commencer la course à pied avant 16h49, le délais étant de 10h pour boucler la natation et le vélo. J’ai de nouveau la pression du chrono, mais plus la force de me dépêcher. Heureusement, le délai de 10h est au moment où on termine le vélo, pas quand on commence la course à pied. Habituellement je le sais, mais je n’ai pas la lucidité pour percuter. Je me dis juste que ma copine a eu le temps de lire le règlement et de se renseigner, elle sait sûrement mieux que moi.
Je pose mon vélo, je vais chercher mes chaussures de course à pied, ma casquette, et je m’apprête à repartir. Sauf que je me rends compte que j’ai oublié ma ventoline sur le vélo. Je ne prends pas le risque de courir sans ma ventoline, tant pis si je pars hors délais. Je demande à l’arbitre si je peux retourner à mon vélo. Elle accepte, je récupère ma ventoline, et je pars enfin sur le parcours de course à pied. C’est bon, deux épreuves sur trois d’effectuées. On m’avait dit qu’une fois le vélo posé, c’était gagné, qu’il suffisait de gérer tranquillement la course à pied. Alors c’est parti !
Partir sur la course à pied me fait du bien et me redonne un peu d’énergie. C’est une boucle de 10 kilomètres à faire 3 fois, du coup il y a beaucoup d’athlètes sur la boucle. Certains ont 10 kilomètres d’avance sur moi, d’autres 20, mais au moins il y a du monde et pour la première fois depuis la natation j’ai l’impression d’être dans la course. Beaucoup de concurrents marchent, je me dis qu’à partir de plusieurs kilomètres ça doit être dur, avec ce parcours sans ombre et sous un soleil qui ne faiblit pas. Je me sens bien sur de début de course à pied, et je me dis que ça devrait le faire pour ces 30 kilomètres que je dois faire. Je m’arrête à chaque ravitaillement, je m’hydrate bien, et je me mouille la tête, les bras, et là casquette à chaque douche installée tout au long du parcours. Il y a beaucoup de spectateurs sur la course à pied, ça fait chaud au cœur et ça donne de l’énergie.
Je termine la première boucle sans trop de soucis, ma chérie est toujours présente pour m’encourager et me motiver. J’entame la seconde boucle, et là, très rapidement, j’en ai marre. Je me mets à marcher un peu, parfois même beaucoup. Je cours de temps en temps. Je continue de m’arrêter à chaque ravitaillement, je discute avec les bénévoles, et j’essaye de me remotiver à courir, mais c’est parfois difficile. J’arrive au ravitaillement du 6e kilomètre sur cette deuxième boucle, et là, je craque, je fonds en larmes. J’ai l’impression qu’il n’y a rien qui va. J’ai mal aux pieds, j’ai les poumons secs et du coup je n’arrive pas à respirer correctement, j’ai l’impression que c’est bouché au niveau des poumons. Je me sens vidé, sans force. Et je pense à ma chérie qui m’attend à la fin de cette boucle, à son soutien, à tous ceux qui m’ont soutenu, encouragé... et je ne veux pas les décevoir. Tout ce mélange d’émotions fait que je finis par craquer, sous les yeux de bénévoles qui cherchent à me réconforter. L’un d’eux me prend à part, me parle, me dit de me poser contre un gros bloc de béton présent, mais de ne surtout pas m’assoir. Après quelques minutes, je reprends mes esprits et je repars, en remerciant les bénévoles pour leur soutien.
La fin de la seconde boucle n’est pas évidente, je sens l’émotion toujours présente, je marche encore un peu trop, mais je me dis que je vais le faire, que je vais y arriver, et ça m’aide à avancer.
À un ou deux kilomètres de la fin de cette seconde boucle, un concurrent me dit qu’il ne reste qu’une heure et vingt minutes pour finir la course et que c’est quasiment mort. Une nouvelle fois, je me sens confronté au chrono. Décidément, ça aura été le cas jusqu’au bout. J’essaye de le motiver, de lui dire qu’on va réussir à le faire tous les deux. Il s’arrête auprès de sa femme et son enfant, alors je continue et j’aperçois ma chérie. Je me dirige vers elle et là, l’émotion reprend le dessus. Je la prends dans mes bras et je fonds à nouveau en larmes. À ce moment précis, je comprends à quel point je l’aime, à quel point elle est importante, et je veux la rendre fière. Je n’ai jamais ressenti autant d’émotion qu’à cet instant. C’était fort, intense, bouleversant. Pas facile de repartir, mais ça m’a fait un bien fou de craquer dans ses bras, je me sens gonflé à bloc pour terminer. Je reprends la marche en avant et je croise une arbitre. Je lui demande combien de temps il reste pour faire la dernière boucle et elle me répond : une heure trente. Je suis large. À ce moment je comprends que c’est gagné. J’entame cette dernière boucle, le visage marqué par la fatigue et l’émotion. Deux bénévoles m’accompagnent sur quelques mètres pour m’encourager, me booster. Je vois ma chérie quelques mètres plus loin et m’arrête à nouveau près d’elle, pour un dernier réconfort avant de partir pour 10 kilomètres. Elle remercie les bénévoles et leur indique que tout est ok, qu’elle est là pour s’occuper de moi. Quelle chance j’ai ! Je repars, motivé comme jamais. Je croise à nouveau le concurrent qui semblait démotivé et à bout de force, j’essaye à nouveau de le motiver. Je cours, ne m’arrêtant que sur les ravitaillements, mais je commence à avoir du mal à m’alimenter et m’hydrater. Tout m’écœure, même l’eau je n’en veux plus. Je poursuis mon chemin et j’arrive au ravitaillement du 6e kilomètre de la boucle, celui-là même où j’avais craqué un tour plus tôt. Les bénévoles sont ravis de me voir à nouveau, ils s’inquiétaient de savoir si j’avais abandonné ou pas. Je leur explique que je n’abandonne jamais. L’une d’entre eux me répond " c’est bien ça, t’es un vrai bonhomme ". Ils me félicitent et m’encouragent pour la fin. Je l’ai déjà dit, mais je vais me répéter : les bénévoles ont vraiment été formidables sur cette course ! Ils sont une source de motivation supplémentaire, c’est un vrai plus dans la satisfaction de course.
Je quitte le ravitaillement, il ne me reste plus que 4 kilomètres à faire, et là, je vois que ma chérie a couru jusqu’ici pour me rejoindre et finir la course avec moi ! Elle aussi est incroyable, et, là encore je vais me répéter, mais sans elle, la course n’aurait pas été la même et n’aurait pas eu la même saveur ! Je l’aime et j’ai conscience que cet amour est réciproque.
On court ensemble, tranquillement. Je ne sens plus la fatigue, plus les douleurs, je me contente de profiter. Elle a eu une journée éprouvante aussi, elle apparaît fatiguée, mais elle a la force, le courage, et l’amour nécessaires pour courir avec moi, avec un sac à dos, la pancarte à la main, le téléphone dans l’autre. On poursuit notre progression vers la ligne d’arrivée, et à un ravitaillement je lui dis que je vais prendre mon temps, puis marcher un peu, qu’elle peut continuer à avancer pour m’attendre sur la ligne d’arrivée. Je termine tranquillement, en savourant les dernières foulées, en profitant des derniers encouragements et félicitations de la part des spectateurs, et me voilà sur le tapis de la ligne d’arrivée, entouré par des tribunes, encore pleines, et où ma chérie a pris place. Je tape dans la main de quelqu’un présent sur la ligne ( plus tard j’apprendrais que ce n’était autre que... le vainqueur de la course ! Présent sur la ligne pour une interview avec le speaker ), j’envoie un baiser et un cœur à ma chérie, et je franchis la ligne en entendant le speaker crié "YOU ARE AN IRONMAN ! ".
Oui ! Ça y est, je l’ai fait ! Après tant d’années de rêves, après tant d’entraînements, tant de péripéties en course, j’y suis arrivé ! J’ai terminé l’Ironman de Nice ! En 13h56’41". Je regarde ma montre, elle affiche 13h01. J’ai donc perdu 55 minutes avec ma deuxième crevaison... une éternité !
Une fois la ligne d’arrivée franchie, je récupère ma médaille, fais les photos avec les photographes de l’organisation, prends une bouteille d’eau, et je sors de la zone d’arrivée pour retrouver ma chérie. Pleinement, enfin ! On se retrouve, on savoure ce moment, puis on se dirige dans la zone réservée à l’après course. Je récupère mon t-shirt de finisher, on se dirige vers les massages, mais ils viennent de fermer, c’est terminé. Les derniers n’ont visiblement pas le droit de récupérer, de se faire masser. Fallait finir plus vite, plus tôt, être meilleur... quel dommage, quelle honte ! On part s’asseoir, au milieu d’autres athlètes. Il y a de la nourriture à disposition, mais je ne peux plus rien avaler. Même une bière rafraîchissante ne me fait pas envie. Un athlète me propose du poulet, mais je refuse, l’écœurement est toujours présent. J’ai juste besoin d’être posé. La fatigue de l’épreuve, la chaleur, la pression du chrono tout au long de la course, l’émotion... tout retombe d’un coup et je me sens vidé.
On discute avec un athlète qui nous dit que c’est son 4e ou 5e Ironman à Nice et que, malgré la réduction des distances, c’est son plus dur, celui où il a mis le plus de temps. Il me demande si je suis déçu de mon temps, car c’est l’impression que je semble donné. Je lui réponds que non, que j’aurais juste aimé avoir moins de soucis, que ça se passe un peu plus comme prévu. Et il me répond qu’un Ironman ne se passe jamais comme prévu. Je confirme.
Un médecin passe par là et s’arrête devant moi, m’observe et constate que ce n’est pas la grande forme. Elle me demande si ça va, je dis que oui, que j’ai juste un peu de mal à respirer. Ma chérie lui dit que non, ça ne va pas, que je suis faible et que je n’arrive pas à m’alimenter. Décision prise par le médecin, direction la tente pour un contrôle santé. Finalement, je ne serais contrôlé que pour ma respiration, qui ne dévoilera rien de grave, juste les poumons trop secs. Je ressors et vais rejoindre ma chérie qui est en route pour récupérer mes affaires et mon vélo. On y va ensemble, puis on rentre au logement, situé au 5e étage... Et il va falloir ressortir pour chercher à manger, car il faut reprendre des forces, et l’envie finira bien par revenir. C’est donc ma chérie qui se dévoue à nouveau, me laissant savourer une bonne douche et un bon repos en attendant son retour. Elle est parfaite en tous points, et je n’ose imaginer comment ça aurait bien pu se passer sans elle. Cette course, je ne l’ai pas fait seul, et ça la rend encore plus appréciable.
Je consulte brièvement mon téléphone en attendant le retour de ma chérie, et je constate que j’ai plus de 270 messages, de soutien, d’encouragements, de personnes qui suivaient et commentaient la course en direct, qui vivaient la course à fond avec moi. C’est très touchant, ça réchauffe le cœur.
Par contre, quand un message mentionne l’Ironman d’Embrun, sur lequel je suis inscrit et qui a lieu un mois et demi plus tard, c’est l’écœurement. C’est comme si j’avais trop mangé et qu’on me forçait à manger encore. Heureusement, cette sensation sera partie dès le lendemain, et j’ai hâte d’y être et de me confronter à ce mythe !
Après un bon repas, place à un bon repos, bien mérité pour tous les deux !
Étonnamment, le lendemain et les jours qui ont suivi, je n’ai ressenti aucune douleur, aucune courbature ! Probablement parce que j’étais prêt, suffisamment entraîné.
Depuis, j’ai pris le temps de prendre du recul et... de m’inscrire pour l’an prochain ! J’ai une revanche à prendre, et même si je suis allé au bout, j’ai quand même un goût d’inachevé dans la bouche, un goût que je vais tenter de faire disparaître le 14 juin 2020...
C’est ainsi que s’achève cette course, ce rêve. Et c’est bien plus qu’une simple course, c’est une expérience, une véritable aventure humaine.
Et comme le disait le regretté Thierry Roland : " je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin, le plus tard possible, mais on peut ! Ah c’est superbe ! Quel pied, ah quel pied, oh putain, oh lalalala ! "
C’est le jour J, l’heure du grand départ. 2600 personnes attendent avec impatience d’être libérées par le signal qui donnera le top départ et permettra aux pros de s’élancer en premier.
Mais finalement, ce départ, pour moi, a eu lieu avant, bien avant...
Tout commence quelques années plus tôt. J’entends parler de triathlon, et de l’Ironman de Nice. Je cherche à savoir de quoi il s’agit concrètement, et en voyant ce que cette épreuve propose aux athlètes, j’en ai le souffle coupé. Ces gens sont fous, et je trouve que réaliser cet exploit est admirable. Oui, je suis admiratif de gens que je ne connais pas. Alors rapidement, l’idée fait son chemin dans ma tête. Moi aussi, un jour, je voudrais m’admirer. Pas par narcissisme, mais plutôt qu’admirer des inconnus en me pensant incapable de faire comme eux, je veux être de la partie un jour, et m’admirer, être fier de moi. C’est décidé, l’Ironman de Nice sera un objectif de vie.
Sauf qu’entre le rêve et la réalité, le chemin est parfois long. Je mets cette idée de côté, jusqu’au jour où j’entends parler du triathlon de Paris et de sa distance olympique. L’idée de me lancer dans le triathlon refait surface et je m’intéresse donc à ce triathlon de Paris. Nous sommes à la fin du mois de mars 2015, et c’est à ce moment là que mon aventure pour Nice va réellement démarrer...
Je décide donc de m’inscrire, sans vraiment bien connaître la discipline ni les rouages qui permettent d’être familier et à l’aise avec ce sport si particulier qui cumule 3 disciplines successives. C’est parti pour 3 mois d’entraînements intensifs, où je ne vivrais que pour ça.
Je ne sais pas nager le crawl, mais je ne le sais même pas, je pense que je nage correctement. Je n’ai pas de vélo de route, je n’en ai même jamais fait. Mais ce n’est pas grave, je vais en trouver un d’occasion et puis après tout, je sais quand même faire du vélo, c’est pareil avec un vélo de route. Pour la course à pied, ça devrait aller, je cours modestement mais régulièrement.
Peu de temps avant le jour du départ, j’apprends qu’il existe un club de triathlon juste à côté de chez moi. Naïvement, je ne savais même pas qu’il existait des clubs de triathlon ! Avec le recul, cette anecdote ( et ma naïveté ) me font sourire. Je prends contact avec le club, Beaumont Triathlon, qui m’accueille à bras ouverts. Plus tard, je comprendrais que c’est bien plus qu’un club. Je partage deux entraînements avec eux avant la course, je prends un maximum de conseil, et c’est parti, le 5 juillet 2015, je m’élance pour mon premier triathlon, distance olympique. Une expérience fabuleuse, riche en émotions. À peine rentré à la maison, j’en redemande et cherche un nouveau défi. Cette fois-ci, c’est sûr, l’objectif IronMan de Nice est bel et bien lancé. À la rentrée de septembre 2015, je m’inscris au club de triathlon et je me donne 4 ans pour être prêt. L’Ironman de Nice tombe fin juin, comme mon anniversaire. Ce sera mon cadeau, ma façon de fêter mes 30 ans. Le rendez-vous est pris, en juin 2019 je prendrais le départ de l’Ironman de Nice.
4 ans, c’est long, mais 4 ans, ça passe vite, très vite. Encore plus quand la première année est gâchée par une douleur récurrente au genou, m’empêchant de faire du sport correctement, parfois même m’empêchant d’en faire, tout simplement.
Et puis pour Nice, il va falloir investir dans un vélo, alors pour s’offrir ce beau cadeau, va falloir travailler pendant les vacances. C’est aussi ça, avoir un objectif de vie : être prêt à faire les sacrifices nécessaires pour arriver à ses fins.
Me voilà donc à la rentrée 2016 avec un genou guéri et un vélo tout neuf. L’aventure peut reprendre, je suis de nouveau sur la route de l’Ironman de Nice.
Pendant un an et demi, je vais m’entraîner dur, essayer d’apprendre à nager convenablement à défaut de viser l’excellence, la natation étant une discipline avec laquelle j’ai du mal à me familiariser, où je prends peu de plaisir. Malgré les progrès, ça reste, la plupart du temps, une contrainte de m’entraîner dans cette discipline. Je commence à beaucoup rouler en vélo, et contrairement à la natation, je prends énormément de plaisir et les progrès sont flagrants. Je continues à courir, de manière beaucoup plus structurée qu’avant, et là aussi, les progrès sont visibles. Il n’y a pas à dire, être dans un club est une valeur ajoutée non négligeable. Sportivement, mais aussi humainement.
Pendant cette période, je commence à enchaîner les petits triathlons ainsi que des courses pédestres ( cross, 10 km, trail... ). L’objectif de Nice commençant à se rapprocher sérieusement, je décide de commencer les longues distances en 2018, avec notamment un trail de 45 kms en mars et un half Ironman en juin. Un autre half viendra compléter cette première année sur des distances plus longues, cette fois-ci en équipe, au mois de septembre.
2018 sera donc une bonne année sportive pour moi, de bon augure pour l’Ironman de Nice en 2019. Et l’année 2018 fut également bonne, très bonne, sur le plan personnel et surtout sentimental. C’est en effet cette année-là que j’ai trouvé l’amour. Sincère, véritable. Celui qu’on recherche tous, qu’on rêve tous d’avoir.
Vous me croirez ou non, mais cet amour jouera un rôle déterminant dans mon objectif. On dit que l’amour donne des ailes, je vous confirme que c’est le cas. Et ça va même bien au delà de ça. Cette fille formidable qui me comble de bonheur et qui me pousse à être meilleur chaque jour, je l’ai connue... au club de triathlon ! Comme une évidence...
Voilà, le travail d’apprentissage d’avant la préparation spécifique à l’Ironman de Nice touche à sa fin. Un nouveau petit mois de travail pendant les vacances pour me permettre de faire face au coût ( un peu trop ) élevé d’un Ironman labellisé, un petit tour sur le site de l’épreuve, et ça y est ! Me voilà inscrit ! Nous sommes à la fin du mois d’août 2018, et dans 10 mois je prendrais le départ de cette épreuve qui me fait tant rêver !
Maintenant, il va falloir s’entraîner durement, méthodiquement et rigoureusement. Pour cela, je trouve sur internet un plan d’entraînement spécifique pour réaliser l’Ironman de Nice, programme proposé par Guy Hemmerlin, spécialiste du coaching Ironman. Son plan se déroule sur 31 semaines, ça va être long, il va donc falloir recharger les batteries avant de repartir pour plus de 7 mois d’entraînements. Et quoi de mieux qu’un voyage en amoureux pour recharger les batteries ?
C’est parti pour une semaine à Barcelone, avant d’attaquer cette préparation, dernière ligne droite d’un parcours commencé presque 3 ans et demi plus tôt...
Lundi 26 novembre 2018. C’est ce jour-ci que commence le plan d’entraînement, c’est ce jour-ci où je me sens vraiment entrer dans la course. C’est parti pour 31 semaines de sport, 31 semaines de travail foncier, de montée en puissance, de charges lourdes, 31 semaines qui m’amèneront réaliser mon rêve. Et au delà de l’entraînement physique, il y a aussi l’hygiène de vie qu’il faut surveiller. Pas toujours évident quand on aime la nourriture, quand on aime sortir voir des amis. Il a parfois fallu se restreindre, voire même se priver de sortie pour ne pas manquer l’entraînement du lendemain matin, mais je ne voulais pas non plus trop me pénaliser dans ma vie personnelle. Il m’arrivera donc de louper des entraînements, mais je vais globalement réussir à bien tenir ce plan. Un plan où je note tous les entraînements effectués ( une première pour moi, idée lumineuse de ma chérie, omniprésente dans ma préparation ) en plus des données enregistrées sur Strava.
Les semaines passent, le plan se déroule bien dans sa globalité, malgré quelques soucis mécaniques qui me priveront de mon vélo pendant quelques jours, sur deux périodes. Je me sens de mieux en mieux, nous voilà en mai, il est donc temps de se tester sur un L. Je récupère le dossard d’un copain du club, malheureusement blessé, et c’est parti pour une course avec plusieurs membres de Beaumont triathlon !
Nous sommes le 12 mai, et le printemps a du mal à se montrer présent, du coup l’eau n’est même pas à 14°... ça va être compliqué, mais il faut passer par là pour réussir à Nice ! J’ai du mal à me mettre à l’eau, et pour ne pas geler en attendant le départ, je me jette à l’eau quand j’entends " départ dans 5 secondes ! ". Bon, là j’avoue que j’ai peut-être un peu trop attendu. L’eau est très froide et me glace le sang. Je nage tranquillement, j’essaye de me réchauffer un peu avant de mettre la tête sous l’eau, puis je me mets enfin à nager correctement. Je suis satisfait de ma natation qui se passe sans encombre mais avec un chrono pas suffisamment bon pour sortir dans le cœur du peloton. Ce n’est pas grave, je vais me rattraper sur le vélo, comme à chaque triathlon.
Après un très bon vélo, la course à pied démarre plutôt bien, puis une douleur au genou vient tout gâcher. Je vais finir les deux derniers tiers de la course en courant sur une jambe, mon mental refusant tout abandon de ma part. La fin de course est compliqué et je serais pris en charge par l’équipe médicale dès la ligne d’arrivée franchie. Un tour chez l’ostéopathe le lendemain, une semaine de repos, et je reprends l’entraînement.
La douleur semble derrière moi et ce n’est plus qu’un lointain souvenir, les entraînements s’enchaînent et je vais faire une chose à laquelle jamais je n’aurais imaginé participer un jour : une course de 3 kms de natation. Uniquement de la natation. Il faut en passer par là pour se rassurer pour Nice. Alors c’est parti, sauf qu’au bout de 150 mètres, j’ai envie d’abandonner. Je n’arrive pas à respirer, je ne me sens pas à l’aise, je trouve ça trop long et je me dis que je n’y arriverais jamais. Je pense à Nice et ça me fait paniquer de me sentir incapable... Une personne me voit en difficulté, reste avec moi, me rassure, ma crise d’asthme finit par passer, et me voilà reparti. Le reste se passera très bien et je sortirais de l’eau rassuré et satisfait. Parfait.
Cette course de 3 kms de natation fait suite à une sortie vélo de 170 kms enchaînés avec 10,5 kms de course à pied effectués deux jours plus tôt. Je me sens prêt, et nous sommes début juin. Le mois va être très long. Surtout que tous les partenaires du club auront leur Ironman deux semaines avant moi. Je vais languir et devoir attendre. Suivre leur course sera excitant, les écouter raconter leur course, écouter leur conseil, sera très intéressant et enrichissant. Une belle manière de terminer ma préparation. J’entame la dernière semaine, la plus calme sportivement, mais la plus excitante ! Je trépigne d’impatience et j’ai hâte d’y être. Et visiblement, la canicule a aussi envie d’y être. Elle a décidé de s’inviter sur cette dernière semaine de juin 2019. Je ne prends pas ça comme une contrainte, j’aime la chaleur et la supporte plutôt bien.
Jeudi 27 juin 2019.
Ça y est, j’ai 30 ans ! Et dans 3 jours, je vais vivre mon rêve, m’offrir mon plus beau cadeau !
L’aventure niçoise commence ce jeudi soir. Je descends à Nice en voiture avec ma chérie, et nous décidons de partir le jeudi soir pour couper la distance en deux et ne pas avoir trop chaud en roulant de soirée/nuit. On roule jusqu’à Châlon sur Saône puis on s’arrête dans un hôtel. On repart le vendredi matin après un bon petit déjeuner, et en partant, problème : un voyant s’allume, annonçant une anomalie moteur. Rien de rassurant quand on a presque 600 kms de voiture à faire sous plus de 40°... On prend la route malgré tout et on finira par s’arrêter dans une concession à Montélimar. Finalement, c’était un problème bénin, réglé en moins d’une heure et demie. On finit par arriver sur Nice et devant notre hébergement à 20h. En attendant le propriétaire, je jette un coup d’œil à mes mails, et je vois que j’en ai un venant de la direction de course de l’Ironman. Je le lis et là, pour moi, c’est le drame. Ils annoncent qu’après de grosses négociations avec les autorités locales, la course aura bien lieu ( une annulation était visiblement souhaitée par les autorités ) mais avec des distances réduites en vélo et en course à pied. Les conditions climatiques et la pollution rendent la course dangereuse pour la santé des athlètes, et on ne rigole pas avec la santé. On passe donc de 180 kms de vélo à 152 kms, et de 42 kms de course à pied à 30 kms. Les 3,8 kms de natation sont toujours présents pour démarrer la course. Je suis extrêmement déçu, j’ai l’impression qu’on m’empêche de vivre mon rêve de manière complète. Je ne cherche pas à savoir si c’est une bonne nouvelle pour ma santé, je suis juste dépité et en colère. J’ai du mal à me remettre de cette nouvelle.
Nous prenons possession de notre logement puis allons au village d’exposition. Bonne nouvelle, le logement est encore plus proche du départ que ce que je croyais, c’est un point positif non négligeable, et être proche de départ était la condition prioritaire.
Cette petite balade au village d’exposition me permet de me plonger doucement dans l’ambiance.
Le lendemain, on part retirer le dossard, le fameux sac " offert " par l’organisation, et je prends des renseignements sur le nouveau parcours vélo. Le dénivelé positif n’a pas changé, ils ont retiré du plat et de la descente.
On rentre au logement et il est temps pour moi de préparer mes affaires de course pour les amener au parc à vélo. Et là, en ouvrant l’enveloppe du dossard, je tombe sur des lettres envoyées par mes proches. Quelle surprise ! Je ne savais même pas que c’était possible. Je lis les lettres, très touchantes, très émouvantes, et je comprends à quel point je suis soutenu par mes proches, qu’ils comprennent à quel point c’est important pour moi, et surtout, à quel point ils sont fiers de moi. Pour la première fois, je craque.
Une fois les affaires prêtes, il me faut aller récupérer le vélo à la voiture, regonfler les pneus, et partir à proximité du parc à vélo. J’ai prévu de faire un petit tour de vélo avant de le déposer, histoire de faire tourner les jambes, de me dégourdir un peu. Et alors qu’on marchait en poussant le vélo, soudain, le pneu éclate ! Chambre à air et pneu ! Heureusement, un atelier de réparation de vélo est présent sur le village d’exposition. Je leur apporte le vélo et ils me mettent une nouvelle chambre à air et un pneu neuf. Une fois le vélo récupéré, je pars faire mon petit tour de vélo, à la recherche d’un magasin de triathlon, ayant oublié de prendre des pâtes de fruits avec moi à Nice. Il serait judicieux que j’en trouve, élément important de mon alimentation sur le vélo.
Après avoir trouvé mon bonheur, je pars retrouver ma chérie et on va au parc à vélo pour déposer les sacs de transitions et le vélo. Les organisateurs nous font signer une décharge disant qu’on accepte de participer malgré les conditions. Étonnant vu qu’ils ont déjà réduit les distances, ça aurait été logique s’ils avaient gardé les distances initiales. Mais bon, ce n’est qu’un détail et cette réflexion est le fruit de ma frustration due à la réduction des distances.
Une fois tout en place, on entend le speaker de la course dire que Camille Lacourt va sortir du parc à vélo. On décide donc d’attendre pour le voir un peu, ce n’est pas tous les jours qu’on voit un tel champion ! Après ça, je pars courir un petit peu, toujours dans l’optique de me dégourdir les jambes. Puis un petit tour dans la mer, histoire de prendre la température de l’eau, qui est chaude. J’avais peur que la combinaison de natation soit interdite pour la course ( interdite par le règlement si la température de l’eau est supérieure à 24° ), mais finalement il n’a jamais été question de ça. Heureusement pour moi.
Maintenant que tout est en place, il ne me reste plus qu’à préparer mes sandwichs, qui me seront très utiles sur le vélo, bien manger, et aller me coucher pas trop tard pour être en forme le lendemain. Car le lendemain, ça y est, ce sera le jour J ! Ce jour tant attendu ! L’excitation ne perturbera pas mon sommeil, et c’est une bonne nuit qui m’attend. C’est une bonne chose, une bonne nouvelle.
Nous sommes le samedi 29 juin, il est 22h15, je coupe tout et au réveil, le plus grand défi de ma vie se présentera à moi !
Dimanche 30 juin 2019.
Nous y voila. Il est 4h15, le réveil me sort du lit. Un bon petit déjeuner, j’enfile ma trifonction, je relis les lettres, puis c’est le moment de partir. Une fois arrivé sur place, je dépose mon sac de ravitaillement vélo contenant mes sandwichs dans un camion prévu à cet effet ( ils déposeront les sacs au ravitaillement qui se trouve au sommet du col de l’Ecre, la grosse difficulté de la journée ). Puis je vais au parc à vélo pour mettre mes gourdes sur mon vélo, je gonfle mes pneus, et là, première frayeur, il y a un pneu que je n’arrive pas à gonfler. J’essaye de rester calme et demande l’aide d’un autre athlète. Une fois ce problème réglé, il est temps pour moi de retrouver ma chérie avant de quitter le parc à vélo et de rejoindre les autres athlètes sur la plage. Je pense revoir ma chérie en y allant, mais je comprends vite que ce sera mission impossible. C’est noir de monde. Il est 6h du matin et il y a déjà énormément de public présent. C’est incroyable, inimaginable. Cette atmosphère me donne des frissons, et c’est à ce moment là que je commence à prendre conscience de ce qui va suivre, de ce que je vais réaliser. Mon rêve prend forme, je rêve éveillé, c’est magique. Après avoir cherché ma chérie dans cette immense foule pendant cinq minutes, en vain, je me dirige définitivement sur la plage. C’est un départ par vagues, en fonction du temps estimé pour la natation. Je choisis la vague " -1h29 ". Un temps que je m’estime capable de réaliser, chose inimaginable il y a dix mois, quand je me suis inscrit. Je prends conscience de mes progrès, et je me sens confiant pour cette natation qui m’attend. Contrairement à mes précédents triathlons, je n’ai aucune appréhension avant d’aborder cette première partie de l’épreuve.
Je continue désespérément de chercher ma chérie du regard, elle devrait pourtant être facilement identifiable, elle a préparé une grande pancarte d’encouragements, avec mon prénom et mon numéro de dossard ! Une vraie supportrice au top. Je finis par la voir, debout sur un muret, pancarte levée. C’est un soulagement de la voir avant de partir. Elle finit par me repérer au milieu des autres athlètes et vient à ma rencontre pour un dernier bisou, un dernier mot d’encouragement et une petite photo.
Il est 6h25. L’heure à laquelle la course commence pour les pros. Le speaker annonce qu’il y aura deux minutes de retard. 6h27, les pros s’élancent. Les femmes pros suivent une minute plus tard.
Puis à 6h30, la première vague des amateurs se jettent à l’eau. Nous sommes comme dans une file d’attente à Disneyland Paris. On avance à petits pas, on piétine, on attend notre tour avec impatience. Je vais partir bien après les premiers, à 6h49, étant dans l’avant dernière vague de départ.
Pendant cette longue attente, le speaker anime, encourage les athlètes, c’est une ambiance incroyable. Il voit ma chérie avec sa pancarte, et fais un appel micro en disant que " Vincent est encouragé par la plus belle fille de Nice ". Je lève les bras pour me signaler mais il ne me voit pas. En arrivant à sa hauteur, c’est fièrement que je lui dis que je suis le Vincent en question.
Tous les athlètes continuent leur marche vers le départ, un peu à la manière de la marche de l’empereur. Un petit virage à gauche, et ça y est ! La mer se présente à moi ! Il est 6h49, et je me jette enfin à l’eau ! La course commence enfin.
L’eau est très bonne et je n’ai aucune difficulté à rentrer dedans. Je me mets immédiatement en crawl et j’installe ma nage et trouve tout de suite mon rythme. Je me sens bien, pas essoufflé contrairement à tous mes autres départs natation. Je suis agréablement surpris. Le premier kilomètre se passe bien, je ne le vois pas passer. Le second kilomètre aussi se passe bien, et je regarde mon chrono : 41 minutes et 44 secondes pour 2000m. Je n’imaginais pas voir un si bon chrono, je suis très content, surtout que je ne ressens aucune fatigue. Je me dis que je vais finir la natation en 1h20-1h25 si je continue comme ça, et ça me motive pour la seconde partie de course.
Les bouées sont rouges, les bonnets sont rouges, ce n’est pas évident pour bien se repérer dans l’eau. Et le soleil, bas à cette heure ci, n’aide pas à bien voir. Et sur la fin de la première boucle, je fais une erreur de parcours en visant une mauvaise bouée. Ça me rajoute de la distance et me fait perdre du temps mais ce n’est pas grave. Je reprends ma route et termine cette première boucle. Au début de la seconde boucle, je fais une petite pause, je cherche à voir combien de bouées il y a avant le prochain virage. Je repars, et après 3 kilomètres de nage, je commence à ne pas me sentir bien. Je m’arrête et une bénévole voit que ça ne va pas trop. Elle se rapproche de moi et je m’appuie sur son canoë. Je lui demande si elle n’a pas de l’eau. J’ai besoin de boire et de me rincer la bouche car le goût du sel commence à devenir difficilement supportable. Elle me prête sa gourde, ça semble aller mieux, alors je repars. Puis 200m plus loin, je me sens à nouveau pas bien. Je m’arrête, et là, problème : je suis pris de vomissements. Une fois, puis deux, puis trois fois... J’entends un concurrent qui, derrière moi, a le même problème. Une bénévole interpelle les pompiers pour qu’ils puissent intervenir. Un pompier arrive, m’encercle avec un bras et me tire jusqu’au bateau qui se situe derrière nous. Un collègue à lui vient lui prêter main forte, puis ils me montent sur le bateau. Ils me demandent ce qu’il s’est passé, me disent de prendre le temps de souffler, de récupérer. Ils me font boire, j’en profite pour me rincer la bouche. Ils me demandent comment je me sens, et l’un d’eux me dit " de toute façon là, c’est fini ". Et là, c’est la stupéfaction ! Je lui dis que non, ça va, je vais repartir. Je ne me suis pas senti bien à cause de l’eau trop salée, mais ça va, je peux et je vais repartir ! Ils sont surpris, me demandent si je suis sûr, et vérifient que j’aille bien. Le poste de contrôle, situé dans un gros bateau derrière nous, qui communique par talkie-walkie, s’inquiète aussi de mon sort et pense également que c’est terminé pour moi. Les pompiers leur dit que ça a l’air d’aller et que je vais repartir. Le poste de contrôle insiste pour être sûr que je sois en état de repartir, pas question de prendre de risque. Réponse positive des pompiers, ils me donnent le feu vert pour continuer la course. Le poste de contrôle derrière nous leur indique qu’il va falloir être vigilant à ma remise à l’eau car normalement quand on monte sur le bateau, c’est synonyme de fin de course, et une remise à l’eau entraîne une disqualification. Il faut donc ne pas se faire attraper par l’arbitre qui est sur un canoë, non loin de l’endroit où je vais repartir... Les pompiers me ramènent là où ils m’ont récupéré, puis je me remets à l’eau. L’arbitre ne m’a pas vu, je peux terminer cette partie natation qui s’est transformé en calvaire. Je nage tant bien que mal sur cette dernière ligne droite qui me ramène sur la plage. Je sors de l’eau en 1h44... Cette galère m’en aura fait perdre du temps ! En sortant de l’eau, je suis vidé par tout ça, je reste un moment sous les douches, je me rince bien le corps et surtout le visage et la bouche. Je vois ma chérie qui m’encourage, essaye de me rebooster, mais je suis K.O debout. Je lui raconte brièvement mes aventures maritimes puis je pars chercher mes affaires vélo, en marchant. Je prends mon temps pour mettre mes affaires de cycliste, je bois pas mal grâce à une bouteille donnée par une bénévole, et juste avant de repartir, cette même bénévole me met de la crème solaire. Faut dire qu’avec la chaleur annoncée, ça va cogner sur le vélo, et un peu de protection n’est pas de trop. Je pars chercher mon vélo, que je trouve très facilement dans ce parc à vélo bien vide... Je le prends et commence à me diriger vers la sortie, toujours encouragé par ma fidèle supportrice, quand une arbitre me fait la remarque que... je n’ai pas mon dossard ! " Normalement, si je ne vous dis rien et vous laisse partir comme ça, je vous mets un carton jaune monsieur ! ". J’ai eu de la chance sur ce coup-ci, quelle tête en l’air ! Comment ai-je pu oublier une chose si importante qu’est mon dossard ? Je repose mon vélo sur le premier emplacement que je trouve, et retourne à mon sac pour chercher le dossard. Il m’attendait gentiment au fond du sac. Je le mets puis je pars récupérer mon vélo. Derniers encouragements de ma chérie avant de partir pour un moment, un long moment...
Me voilà parti sur le vélo. La partie que j’attendais le plus. Je n’ai jamais gravi de col, et il parait que le parcours n’est pas simple, avec un joli col à monter. J’avais hâte ! Et puis l’arrière pays niçois, c’est quand même des paysages magnifiques ! Je commence donc cette partie vélo, en étant déjà très loin dans le classement, il reste peu de monde derrière moi. Mais ce n’est pas un problème, à chaque triathlon c’est la même histoire, je finis loin en natation et je fais une belle remontée en vélo. Sauf que cette fois-ci, les distances ne sont pas les mêmes et il va aussi falloir gérer. Surtout avec ce col et la chaleur. Je commence ma remontée en doublant plusieurs athlètes, puis au 7e kilomètre, j’entends un gros bruit. Comme un pétard. Vu le bruit, je ne pense pas à une crevaison. Mais mon vélo ne réagit plus de la même manière et force est de constater que j’ai crevé, déjà. C’est rageant, j’ai fait 7 mois de préparation, roulé des milliers de kilomètres, sans avoir une seule crevaison, et là je crève la veille sans être sur le vélo et le jour le plus important au bout du 7e kilomètre. Je commence à sortir mes outils pour changer de chambre à air. Je suis à un croisement de carrefour et la route est barrée, et un couple de touristes vient me demander son chemin ! Des policiers présents sur le carrefour viennent à mon secours en faisant partir la voiture, leur expliquant que je suis un athlète en pleine course et qu’ils doivent me laisser tranquille. Circulez, y’a rien à voir ! Du coup, dans son élan de solidarité, le policier vient m’aider pour changer la roue. C’est un exercice que je n’apprécie pas trop, mais je m’en sors mieux qu’à une certaine période où je n’y arrivais et perdais vite patience. Le policier m’aide mais n’est pas trop habitué non plus au changement de chambre à air, mais une aide ne se refuse pas. Cette crevaison me fait tout de même perdre entre 12 et 15 minutes... Je repars, en priant pour ne plus crever car je n’avais qu’une seule chambre à air de secours. Me voilà encore plus bas dans le classement de la course, et je me dis que ça ne va pas être marrant d’être si loin du cœur de la course, là où j’aurais dû normalement être. Je reprends la route et recommence ma remontée. La première difficulté du parcours se dresse devant moi et je vois déjà des concurrents en difficulté. Je me sens bien et ça me motive à faire encore plus. Dans la descente qui suit cette petite montée, au 34e kilomètre, j’entends un bruit de crevaison. Le concurrent juste devant ? Celui qui est juste derrière ? Non, hélas, c’est bien mon vélo qui vient de crever à nouveau. Roue arrière, encore. Je m’arrête et stoppe mon chrono. Car pour moi, c’est une évidence : je vais être contraint à l’abandon. Le chrono ne sert donc plus à rien. Je suis au bord de la route, dans un virage, et il y a une bénévole. Je me dis qu’elle va pouvoir m’aider, m’expliquer la démarche à suivre, car je ne peux pas regagner Nice avec un pneu crevé. Elle appelle son responsable pour lui expliquer la situation, le responsable lui dit qu’il faut que je trouve une chambre à air et que je pourrais repartir. Sauf qu’en regardant mon pneu de plus près, je me rends compte qu’il est un peu déchirer sur le côté. Un pneu neuf de la veille ! Je me dis qu’on a dû l’abîmer en le remontant lors de la première crevaison, je ne vois pas d’autre explication.
Un cycliste qui passait par là s’arrête pour demander son chemin puis me demande ce qu’il m’arrive. Je lui explique et il me dit qu’il va me passer une chambre à air, qu’il ne va pas me laisser abandonner comme ça. Sauf qu’en voyant le pneu il me dit que ça ne sert à rien de remettre une chambre à air neuve, que je vais crever à nouveau dans peu de temps. Il me faut un pneu et une chambre à air neuve. Trouver ça en étant au milieu de nulle part, c’est impossible. J’explique à nouveau la situation à la bénévole, qui me conseille d’appeler quelqu’un pour qu’on me ramène ce dont j’ai besoin. Sauf que je n’ai pas mon téléphone et que je ne connais pas le numéro de ma chérie, seule personne présente sur place pouvant éventuellement m’aider.
La bénévole finit par rappeler son responsable qui lui dit qu’il va bientôt arriver. Pendant l’attente, je repense à tous ces investissements de ces derniers mois, qu’ils soient physiques ou financiers, et je suis dépité de devoir abandonner dans ces conditions après seulement 34 kilomètres de vélo, à cause d’un problème mécanique. Une fois sur place, j’explique la situation au responsable, et après plusieurs minutes de discussion, il me demande si ma décision d’abandonner est ferme et définitive. Je lui dis que malheureusement, oui, je n’ai pas le choix. Il me dit donc qu’il va devoir récupérer mon dossard et signifier mon abandon au PC course. Je lui donne donc mon dossard, et par dépit, je jette mon épingle à nourrice. En attendant, il ouvre son coffre, rempli pour le ravitaillement des bénévoles. Il y a de l’eau, des cannettes de minute maid, des viennoiseries... et il me dit que je peux me servir, prendre ce que je veux. Je me contente d’une canette. Il essaye de joindre le PC course au talkie-walkie une première fois, pas de réponse. Une seconde fois, toujours pas de réponse. Il me dit que ça ne doit pas passer là où on est et qu’on va descendre un peu, jusqu’au prochain ravitaillement, ça passera sûrement mieux et il y aura un responsable de course. On met mon vélo dans sa voiture et il me dit " tiens, récupère ton dossard, on ne sait jamais ". Du coup je récupère le dossard et je retourne chercher l’épingle à nourrice. On part jusqu’au prochain ravitaillement en voiture, et une fois arrivé, je sors mon vélo, et on se dirige vers le responsable de la course. Me voyant pousser mon vélo, il me demande ce qu’il m’arrive. Le responsable des bénévoles, qui m’a amené jusque là, lui explique mon problème de crevaison et de pneu et lui demande si par hasard ils n’auraient pas un pneu pour moi. Et là, sa réponse paraît évidente pour lui " bah oui, bien sûr qu’on a ça ici ! ". C’est un ravitaillement d’eau, de boisson isotonique, et de nourriture, mais pour lui c’était évident et logique d’avoir également des pneus et des chambres à air ! Un miracle vient de se produire ! Il me demande quelle taille de pneu je veux, 23 ou 25. Je réponds 25, et là il s’excuse de n’avoir qu’un pneu Michelin d’une gamme inférieur au mien ! Cet homme est incroyable ! Même le premier prix, je prends ! À partir du moment où je peux repartir, la marque du pneu m’importe peu. Et là, les bénévoles vont aussi être incroyables. Ils vont me prendre mon vélo, me dire de boire, manger, souffler, et qu’ils vont s’occuper de tout. Ils se mettent à trois sur le vélo et ils vont changer le pneu en un temps record. Ils regonflent et se rendent compte que la chambre à air est crevée. Ça me paraissait évident, logique, mais ils n’avaient pas fait attention. Du coup ils démontent à nouveau le pneu, change la chambre à air et remonte le tout. Toujours aussi rapidement.
Pendant ce temps, je mange un peu, bois de la boisson isotonique, car il n’y a plus d’eau sur ce ravitaillement. Mais le responsable des bénévoles, toujours présent, à des bouteilles d’eau dans sa voiture et il part m’en chercher une. Je remplis ma gourde, je bois, et je la remplis à nouveau pour qu’elle soit pleine quand je repartirais, et je remercie le responsable des bénévoles pour tout ce qu’il a fait. Il me dit en rigolant " on ne dira à personne comment tu es arrivé jusque là ". Il est vrai que faire un peu de voiture, ce n’est pas dans le règlement... mais bon, il devait y avoir moins d’un kilomètre, et en descente, ce n’est finalement pas grand chose.
À ce moment, il y a le bus balais et le camion balais qui arrivent au poste de ravitaillement. Je comprends que je suis dernier et que la course va être longue...
Les bénévoles finissent de remonter mon vélo, et me disent qu’il est un peu plus de 11h et qu’il faut que je sois en haut du col avant 13h. Ils m’ont dit que c’était jouable mais qu’il ne fallait pas traîner. Je les remercie tous pour leur générosité et leur précieuse aide, puis je repars, à fond, car maintenant la course va se faire contre le chrono. En parlant de chrono, je remets le mien en route en repartant, et je ferais la différence avec le chrono final pour voir combien de temps j’ai perdu avec cette mésaventure.
Je termine cette descente, et en arrivant au pied du col de l’Ecre, je vois que la moto balais se met derrière moi. Le pilote se met à ma hauteur et me dit qu’il va rester avec moi, qu’on va faire un bout de chemin ensemble. Je sais que je suis dernier, mais j’ai besoin d’une confirmation officielle, je lui pose donc la question. Sa réponse est sans équivoque. Je lui dis alors " d’accord, alors écoutez bien ce que je vais vous dire : je ne vais pas rester dernier longtemps ". Et me voilà parti à l’assaut du col. La première partie est arborée et ombragée, un détail qui a son importance vu les conditions climatiques. Je me lance à la poursuite des concurrents, qui sont désormais bien loins devant moi, après toutes ces péripéties et ce dernier très long arrêt. C’est une véritable course contre la montre qui commence pour moi. Car au-delà des concurrents que je dois rattraper, il y a un chrono qui tourne et l’arbitre ne fera pas de cadeau aux retardataires.
La route s’élève devant moi, je me régale, et j’espère que mes efforts vont payer, que je vais parvenir à rattraper les concurrents, car j’ai l’impression de faire la course tout seul et c’est assez grisant par moment. Les kilomètres défilent, et soudain, au loin, je vois un concurrent. C’est un soulagement pour moi. Je le double et poursuit ma (re)montée. Un peu plus loin, je croise un autre athlète, assis au bord de la route, sous un arbre. Il m’adresse la parole, en anglais. Ah... ça ne va pas être simple mais on va réussir à se comprendre. Je comprends qu’il veut de l’eau, alors je remplis un peu sa gourde. Ensuite il me demande si ça monte encore longtemps, et si après il y a encore des montées. Je lui dis qu’il reste un peu moins de 9 kilomètres, et qu’après il reste encore une montée, moins longue, mais que je n’ai aucune idée du kilométrage de cette côte. Le tout dans un anglais très approximatif. Je lui souhaite bonne chance et repars grimper les 9 kilomètres me séparant du sommet du col. Je continue à rattraper des concurrents, je n’aperçois plus la moto balais quand je me retourne, j’ai pris une avance conséquente sur les derniers athlètes. Je suis rassuré et je pense que les problèmes sont derrières moi, oubliant que j’ai une barrière horaire à respecter en haut du col ! Pour moi, je suis sauvé tant que la moto balais est loin derrière moi. Comment ai-je pu avoir un raisonnement si naïf ? Je sais pourtant bien que la moto balais n’est là que pour accompagner le dernier mais ne fait pas office de barrière délais !
Je continue mon ascension, et j’arrive à un ravitaillement. Je m’arrête et là, les bénévoles m’annoncent qu’il n’y a plus rien et qu’ils espèrent que je suis le dernier, car c’est vraiment la pénurie et qu’ils ont honte de ne plus rien avoir. Je leur dis qu’il y a 5 concurrents encore. Ils n’ont plus qu’une grande bouteille d’eau, qui devait leur servir pour eux. Ils la sacrifient pour les derniers athlètes et me remplissent partiellement ma gourde. Ils s’excusent, gênés, ne manquant pas de tacler l’organisation, qui avait promis de doubler les quantités aux ravitaillement. Visiblement, ça n’a pas été le cas, et il ne vaut mieux pas être dans les derniers si on veut ne pas finir déshydraté. Heureusement, les bénévoles sont au top. Toujours une solution pour les athlètes, toujours le sourire. Ça fait chaud au cœur. Je repars du ravitaillement, et on entre dans la partie la plus difficile de la course. Ça monte toujours autant, si ce n’est plus, la fatigue commence à se faire ressentir, et le parcours ne comporte plus d’ombre. Le soleil est à son zénith, la chaleur se répercute sur le bitume et la montagne rocheuse. J’ai entre une heure et demie et deux heures de retard par rapport à ce que je prévoyais, je monte cette partie exposée au soleil entre midi et 13 heures, et forcément, le soleil est beaucoup plus chaud, ce qui ne facilite pas les choses.
Heureusement, dans la montée, un bénévole tient un tuyau d’arrosage et mouille les athlètes qui le désirent, et remplis leurs gourdes. Vraiment, les bénévoles sont exceptionnels sur cette course.
Me voilà dans la dernière partie du col de l’Ecre, je remonte de plus en plus d’athlètes, je me sens un peu plus dans la course, bien qu’encore en queue de peloton. Face à la difficulté, certains athlètes marchent et poussent leur vélo, pendant que d’autres montent très difficilement, roulant au pas.
Je vois la route s’élever, je vois les athlètes en petit, au loin, et quand j’arrive à l’endroit où je les j’observais, je me retourne et constate que cette partie monte beaucoup, voyant les autres athlètes derrière moi en contrebas. Les paysages sont magnifiques, et ça valait le coup de monter et de prendre le temps de jeter un œil en arrière.
Un dernier virage en épingle, et des spectateurs posés là informent les concurrents que c’est la fin du col et que le ravitaillement est dans 200 mètres ! J’arrive au ravitaillement, un bénévole me demande mon numéro de dossard pour récupérer mon sac contenant mes sandwichs, une gourde avec de la boisson isotonique, ainsi qu’une banane et des pâtes de fruits. Je décide de manger mon sandwich sur place, mais le bénévole me déconseille de faire ça, car il faut que je franchisse la tente avec l’arbitre, qui se trouve à la fin de la zone de ravitaillement, pour m’assurer d’être dans les délais. En effet, j’avais oublié ce détail important depuis que la moto balais n’est plus derrière moi. Et pourtant, l’heure continuait de tourner. Le délais pour arriver jusqu’au col, c’est 13h. Je regarde ma montre, elle m’indique 12h56. C’était limite... Je m’avance donc jusqu’à la tente où se situe l’arbitre, je prends une bouteille d’eau pour remplir ma seconde gourde vide, puis au moment de repartir, une voiture de ravitaillement apporte de nombreux packs de coca. J’aimerais bien en prendre, mais mes deux gourdes sont désormais pleines. L’arbitre fait la distribution de coca, et je lui demande si ça ne la dérange pas si je bois à la bouteille. Elle me dit qu’il n’y a pas de problème, puis ajoute " par contre, au niveau délais on est juste, je vais devoir stopper les prochains. Donc buvez, je ne vous mets pas la pression, mais une fois que vous avez terminé, je ne veux plus vous voir ici ! ". Message bien reçu ! Je termine de boire, je lui rends la bouteille, je la remercie et pars en disant sur le ton de l’humour " je disparais, on ne s’est jamais vu ! ".
Je repars, soulagé, et je repense à toutes ces péripéties depuis mon départ : vomissements en natation, une première crevaison, une seconde avec le pneu déchiré, j’avais annoncé mon abandon, je réussi à repartir en étant dernier, accompagné de la moto balais, j’arrive en haut du col à 4 minutes du délai... je me dis qu’il ne peut rien m’arriver de pire, que je n’ai plus qu’à profité du reste de la course.
Après une partie descendante, je profite d’une portion de plat pour enfin me restaurer, avant d’attaquer à nouveau une montée. Je continue à doubler des concurrents, et l’un d’eux me regarde avec stupéfaction et me dit " bah dis donc, tu as de la réserve ! ". Effectivement, je me sens bien sur le vélo et je prends plaisir à grimper et à doubler les autres athlètes.
J’arrive en haut de la côte, et un nouveau ravitaillement attend les athlètes. Je m’arrête, je me restaure, je remplis mes gourdes, puis je repars. Et au moment de repartir, j’entends quelqu’un crier mon prénom. Je sais qu’un coéquipier du club est présent sur la course, mais connaissant son niveau, je me dis que ça ne peut pas être lui, qu’il est sûrement déjà bien loin. Je m’arrête, fais demi tour, et constate que c’est effectivement lui. Je suis surpris de le voir là, je lui demande ce qu’il se passe et il m’explique qu’il abandonne, qu’il a fait un malaise, qu’il ne voyait presque plus rien.
Il me dit qu’il a déjà fait des Ironman, mais que là, les conditions rendent la course difficile et qu’il ne peut plus, son corps a dit stop. C’est une sage décision de sa part. Les sportifs ont leur fierté et veulent toujours aller au bout d’eux même, au bout de tout ce qu’ils entreprennent, et ce n’est pas facile de prendre ce genre de décision. Y arriver est une preuve de sagesse et de lucidité. Bravo à lui !
Je lui raconte brièvement mes péripéties et il me dit qu’il va me donner une chambre à air de secours, au cas où. Je lui dis non, qu’il va me porter la poisse ! Il insiste et va chercher une chambre à air. Si je crève à nouveau, j’ai encore un joker.
Voir un visage familier, discuter un peu, ça m’a fait du bien et ça m’a reboosté, maintenant j’ai envie de finir pour moi, mais aussi pour lui, qui n’a pas eu cette chance. Me voilà reparti, prêt à regagner Nice. Les 50 kilomètres restants sont majoritairement de la descente, une petite côte et un peu de plat et de faux plat sur les 10 derniers kilomètres. Je continue à me faire plaisir, à donner tout ce que je peux donner, tout en essayant de garder de l’énergie pour la course à pied. Sur une portion de plat, je commence à manger mon deuxième sandwich, mais une descente se profile très rapidement devant moi. Tant pis, j’ai besoin de manger. Je vais être plus prudent et prendre moins de risque dans la descente. C’est ainsi, que pour la première fois de la course, un athlète me rattrape à vélo. Il me demande combien de kilomètres il reste à faire, et me dit qu’on doit avoir fini l’épreuve vélo avant 16h ! Je lui dis qu’il reste 15 kilomètres et qu’on a 21 minutes devant nous. Mission impossible... mais je ne sais pas pourquoi, j’y crois ! Je me rends compte que j’ai mal calculé et qu’il ne reste pas 15, mais 25 kilomètres ! Je finis mon sandwich rapidement, et reprends un rythme soutenu, faut que j’arrive le plus rapidement possible au parc à vélo. Je largue rapidement mon informateur, mais 10 kilomètres plus loin, je sens que mon pneu avant est sous gonflé. Cette fois-ci, le pneu n’a pas explosé, je n’entends pas d’air s’échapper, je me dis que c’est peut-être une crevaison lente. Je décide de regonfler le pneu et de repartir, plus le temps pour changer une nouvelle fois la chambre à air. Je repars, et un kilomètre plus loin, je suis sur la jante. Cette fois-ci, plus le choix, je dois changer la chambre à air. À ce moment là, je remercie mon coéquipier qui m’a passer une chambre à air. Je vais pouvoir réparer et finir le vélo, alors que sans lui, ma course serait terminée ! Je m’arrête au niveau d’un carrefour, et, une fois n’est pas coutume, un policier vient m’aider. J’en profite pour lui demander s’il connaît les délais pour finir le vélo, il me dit non mais me précise qu’il y a un ravitaillement dans 500 mètres et qu’ils sont sûrement au courant.
Le concurrent qui m’avait informé des délais passe devant moi, me demande ce qu’il y a et je lui explique que c’est terminé pour moi, pensant finir hors délais.
Je termine de réparer, et après dix nouvelles minutes de perdues, une troisième crevaison, je repars, ayant perdu tout espoir de finir dans les délais. J’arrive au ravitaillement, je prends mon temps, et je leur demande s’ils sont au courant pour les délais. Ils me disent que c’est 17h, sans en avoir la certitude. Ça change tout, là j’ai encore la possibilité d’arriver à temps. Mais cette troisième crevaison m’a coupé les jambes, je n’ai plus envie de me faire mal. J’arrive sur la promenade des anglais et je me relève sur le vélo, histoire de bien me détendre et de profiter de ces cinq derniers kilomètres. J’arrive au parc à vélo à 16h43, et ma chérie, qui attend que j’arrive depuis des heures, m’indique qu’étant pari à 6h49 le matin, je dois commencer la course à pied avant 16h49, le délais étant de 10h pour boucler la natation et le vélo. J’ai de nouveau la pression du chrono, mais plus la force de me dépêcher. Heureusement, le délai de 10h est au moment où on termine le vélo, pas quand on commence la course à pied. Habituellement je le sais, mais je n’ai pas la lucidité pour percuter. Je me dis juste que ma copine a eu le temps de lire le règlement et de se renseigner, elle sait sûrement mieux que moi.
Je pose mon vélo, je vais chercher mes chaussures de course à pied, ma casquette, et je m’apprête à repartir. Sauf que je me rends compte que j’ai oublié ma ventoline sur le vélo. Je ne prends pas le risque de courir sans ma ventoline, tant pis si je pars hors délais. Je demande à l’arbitre si je peux retourner à mon vélo. Elle accepte, je récupère ma ventoline, et je pars enfin sur le parcours de course à pied. C’est bon, deux épreuves sur trois d’effectuées. On m’avait dit qu’une fois le vélo posé, c’était gagné, qu’il suffisait de gérer tranquillement la course à pied. Alors c’est parti !
Partir sur la course à pied me fait du bien et me redonne un peu d’énergie. C’est une boucle de 10 kilomètres à faire 3 fois, du coup il y a beaucoup d’athlètes sur la boucle. Certains ont 10 kilomètres d’avance sur moi, d’autres 20, mais au moins il y a du monde et pour la première fois depuis la natation j’ai l’impression d’être dans la course. Beaucoup de concurrents marchent, je me dis qu’à partir de plusieurs kilomètres ça doit être dur, avec ce parcours sans ombre et sous un soleil qui ne faiblit pas. Je me sens bien sur de début de course à pied, et je me dis que ça devrait le faire pour ces 30 kilomètres que je dois faire. Je m’arrête à chaque ravitaillement, je m’hydrate bien, et je me mouille la tête, les bras, et là casquette à chaque douche installée tout au long du parcours. Il y a beaucoup de spectateurs sur la course à pied, ça fait chaud au cœur et ça donne de l’énergie.
Je termine la première boucle sans trop de soucis, ma chérie est toujours présente pour m’encourager et me motiver. J’entame la seconde boucle, et là, très rapidement, j’en ai marre. Je me mets à marcher un peu, parfois même beaucoup. Je cours de temps en temps. Je continue de m’arrêter à chaque ravitaillement, je discute avec les bénévoles, et j’essaye de me remotiver à courir, mais c’est parfois difficile. J’arrive au ravitaillement du 6e kilomètre sur cette deuxième boucle, et là, je craque, je fonds en larmes. J’ai l’impression qu’il n’y a rien qui va. J’ai mal aux pieds, j’ai les poumons secs et du coup je n’arrive pas à respirer correctement, j’ai l’impression que c’est bouché au niveau des poumons. Je me sens vidé, sans force. Et je pense à ma chérie qui m’attend à la fin de cette boucle, à son soutien, à tous ceux qui m’ont soutenu, encouragé... et je ne veux pas les décevoir. Tout ce mélange d’émotions fait que je finis par craquer, sous les yeux de bénévoles qui cherchent à me réconforter. L’un d’eux me prend à part, me parle, me dit de me poser contre un gros bloc de béton présent, mais de ne surtout pas m’assoir. Après quelques minutes, je reprends mes esprits et je repars, en remerciant les bénévoles pour leur soutien.
La fin de la seconde boucle n’est pas évidente, je sens l’émotion toujours présente, je marche encore un peu trop, mais je me dis que je vais le faire, que je vais y arriver, et ça m’aide à avancer.
À un ou deux kilomètres de la fin de cette seconde boucle, un concurrent me dit qu’il ne reste qu’une heure et vingt minutes pour finir la course et que c’est quasiment mort. Une nouvelle fois, je me sens confronté au chrono. Décidément, ça aura été le cas jusqu’au bout. J’essaye de le motiver, de lui dire qu’on va réussir à le faire tous les deux. Il s’arrête auprès de sa femme et son enfant, alors je continue et j’aperçois ma chérie. Je me dirige vers elle et là, l’émotion reprend le dessus. Je la prends dans mes bras et je fonds à nouveau en larmes. À ce moment précis, je comprends à quel point je l’aime, à quel point elle est importante, et je veux la rendre fière. Je n’ai jamais ressenti autant d’émotion qu’à cet instant. C’était fort, intense, bouleversant. Pas facile de repartir, mais ça m’a fait un bien fou de craquer dans ses bras, je me sens gonflé à bloc pour terminer. Je reprends la marche en avant et je croise une arbitre. Je lui demande combien de temps il reste pour faire la dernière boucle et elle me répond : une heure trente. Je suis large. À ce moment je comprends que c’est gagné. J’entame cette dernière boucle, le visage marqué par la fatigue et l’émotion. Deux bénévoles m’accompagnent sur quelques mètres pour m’encourager, me booster. Je vois ma chérie quelques mètres plus loin et m’arrête à nouveau près d’elle, pour un dernier réconfort avant de partir pour 10 kilomètres. Elle remercie les bénévoles et leur indique que tout est ok, qu’elle est là pour s’occuper de moi. Quelle chance j’ai ! Je repars, motivé comme jamais. Je croise à nouveau le concurrent qui semblait démotivé et à bout de force, j’essaye à nouveau de le motiver. Je cours, ne m’arrêtant que sur les ravitaillements, mais je commence à avoir du mal à m’alimenter et m’hydrater. Tout m’écœure, même l’eau je n’en veux plus. Je poursuis mon chemin et j’arrive au ravitaillement du 6e kilomètre de la boucle, celui-là même où j’avais craqué un tour plus tôt. Les bénévoles sont ravis de me voir à nouveau, ils s’inquiétaient de savoir si j’avais abandonné ou pas. Je leur explique que je n’abandonne jamais. L’une d’entre eux me répond " c’est bien ça, t’es un vrai bonhomme ". Ils me félicitent et m’encouragent pour la fin. Je l’ai déjà dit, mais je vais me répéter : les bénévoles ont vraiment été formidables sur cette course ! Ils sont une source de motivation supplémentaire, c’est un vrai plus dans la satisfaction de course.
Je quitte le ravitaillement, il ne me reste plus que 4 kilomètres à faire, et là, je vois que ma chérie a couru jusqu’ici pour me rejoindre et finir la course avec moi ! Elle aussi est incroyable, et, là encore je vais me répéter, mais sans elle, la course n’aurait pas été la même et n’aurait pas eu la même saveur ! Je l’aime et j’ai conscience que cet amour est réciproque.
On court ensemble, tranquillement. Je ne sens plus la fatigue, plus les douleurs, je me contente de profiter. Elle a eu une journée éprouvante aussi, elle apparaît fatiguée, mais elle a la force, le courage, et l’amour nécessaires pour courir avec moi, avec un sac à dos, la pancarte à la main, le téléphone dans l’autre. On poursuit notre progression vers la ligne d’arrivée, et à un ravitaillement je lui dis que je vais prendre mon temps, puis marcher un peu, qu’elle peut continuer à avancer pour m’attendre sur la ligne d’arrivée. Je termine tranquillement, en savourant les dernières foulées, en profitant des derniers encouragements et félicitations de la part des spectateurs, et me voilà sur le tapis de la ligne d’arrivée, entouré par des tribunes, encore pleines, et où ma chérie a pris place. Je tape dans la main de quelqu’un présent sur la ligne ( plus tard j’apprendrais que ce n’était autre que... le vainqueur de la course ! Présent sur la ligne pour une interview avec le speaker ), j’envoie un baiser et un cœur à ma chérie, et je franchis la ligne en entendant le speaker crié "YOU ARE AN IRONMAN ! ".
Oui ! Ça y est, je l’ai fait ! Après tant d’années de rêves, après tant d’entraînements, tant de péripéties en course, j’y suis arrivé ! J’ai terminé l’Ironman de Nice ! En 13h56’41". Je regarde ma montre, elle affiche 13h01. J’ai donc perdu 55 minutes avec ma deuxième crevaison... une éternité !
Une fois la ligne d’arrivée franchie, je récupère ma médaille, fais les photos avec les photographes de l’organisation, prends une bouteille d’eau, et je sors de la zone d’arrivée pour retrouver ma chérie. Pleinement, enfin ! On se retrouve, on savoure ce moment, puis on se dirige dans la zone réservée à l’après course. Je récupère mon t-shirt de finisher, on se dirige vers les massages, mais ils viennent de fermer, c’est terminé. Les derniers n’ont visiblement pas le droit de récupérer, de se faire masser. Fallait finir plus vite, plus tôt, être meilleur... quel dommage, quelle honte ! On part s’asseoir, au milieu d’autres athlètes. Il y a de la nourriture à disposition, mais je ne peux plus rien avaler. Même une bière rafraîchissante ne me fait pas envie. Un athlète me propose du poulet, mais je refuse, l’écœurement est toujours présent. J’ai juste besoin d’être posé. La fatigue de l’épreuve, la chaleur, la pression du chrono tout au long de la course, l’émotion... tout retombe d’un coup et je me sens vidé.
On discute avec un athlète qui nous dit que c’est son 4e ou 5e Ironman à Nice et que, malgré la réduction des distances, c’est son plus dur, celui où il a mis le plus de temps. Il me demande si je suis déçu de mon temps, car c’est l’impression que je semble donné. Je lui réponds que non, que j’aurais juste aimé avoir moins de soucis, que ça se passe un peu plus comme prévu. Et il me répond qu’un Ironman ne se passe jamais comme prévu. Je confirme.
Un médecin passe par là et s’arrête devant moi, m’observe et constate que ce n’est pas la grande forme. Elle me demande si ça va, je dis que oui, que j’ai juste un peu de mal à respirer. Ma chérie lui dit que non, ça ne va pas, que je suis faible et que je n’arrive pas à m’alimenter. Décision prise par le médecin, direction la tente pour un contrôle santé. Finalement, je ne serais contrôlé que pour ma respiration, qui ne dévoilera rien de grave, juste les poumons trop secs. Je ressors et vais rejoindre ma chérie qui est en route pour récupérer mes affaires et mon vélo. On y va ensemble, puis on rentre au logement, situé au 5e étage... Et il va falloir ressortir pour chercher à manger, car il faut reprendre des forces, et l’envie finira bien par revenir. C’est donc ma chérie qui se dévoue à nouveau, me laissant savourer une bonne douche et un bon repos en attendant son retour. Elle est parfaite en tous points, et je n’ose imaginer comment ça aurait bien pu se passer sans elle. Cette course, je ne l’ai pas fait seul, et ça la rend encore plus appréciable.
Je consulte brièvement mon téléphone en attendant le retour de ma chérie, et je constate que j’ai plus de 270 messages, de soutien, d’encouragements, de personnes qui suivaient et commentaient la course en direct, qui vivaient la course à fond avec moi. C’est très touchant, ça réchauffe le cœur.
Par contre, quand un message mentionne l’Ironman d’Embrun, sur lequel je suis inscrit et qui a lieu un mois et demi plus tard, c’est l’écœurement. C’est comme si j’avais trop mangé et qu’on me forçait à manger encore. Heureusement, cette sensation sera partie dès le lendemain, et j’ai hâte d’y être et de me confronter à ce mythe !
Après un bon repas, place à un bon repos, bien mérité pour tous les deux !
Étonnamment, le lendemain et les jours qui ont suivi, je n’ai ressenti aucune douleur, aucune courbature ! Probablement parce que j’étais prêt, suffisamment entraîné.
Depuis, j’ai pris le temps de prendre du recul et... de m’inscrire pour l’an prochain ! J’ai une revanche à prendre, et même si je suis allé au bout, j’ai quand même un goût d’inachevé dans la bouche, un goût que je vais tenter de faire disparaître le 14 juin 2020...
C’est ainsi que s’achève cette course, ce rêve. Et c’est bien plus qu’une simple course, c’est une expérience, une véritable aventure humaine.
Et comme le disait le regretté Thierry Roland : " je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin, le plus tard possible, mais on peut ! Ah c’est superbe ! Quel pied, ah quel pied, oh putain, oh lalalala ! "
Vincent (M.)