Je commencerai tout d’abord par aborder le contexte d’avant course de cet UTB 2018 (Ultra Trail du Beaufortain).
J-7 : comme pour mettre un peu de suspens dans cette aventure, je débute le traitement d’une otite qui ne me quitte pas depuis 5 jours, m’empêchant même à certains moments de fermer la mâchoire et de mâcher correctement sans douleur…
J-5 : afin de pouvoir dormir de nuit et ne pas accumuler de nuits blanches en cette semaine de course longue, je décide de conduire de jour entre Persan et Cannes pour déposer mes trois enfants chez mon frère. 1000 km et 12 heures de déplacement avec 6 arrêts dont un avec une sieste de 20 minutes (c’est le début des vacances donc il faut se mettre dans le bain). J’apprends à me connaître vis-à-vis du sommeil et toutes les occasions sont bonnes pour faire des tests.
J-3 : je débute mon rituel alimentaire et d’hydratation afin de maximiser notamment mes réserves en glycogène et en eau ; malto, Badoit, St Yorre et eau minérale seront les boissons que j’alternerai pendant 3 jours. Mon alimentation solide sera également semblable à l’alimentation que j’ai suivie pour mes courses précédentes afin d’éviter les troubles digestifs et intestinaux. Je varie les aliments simples riches en sucres lents (riz, pâtes, pain de mie, pommes de terre) et évite les fibres et sources potentielles d’acidité et de désagréments (légumes, céréales, pain complet, tomates, sauces, crèmes,…) que j’ai déjà testés à mes dépends lors d’entraînements ou de courses (je vous passe les détails…).
J-1 : à 19h du départ, je fais un footing souple de 5 km sur la Croisette, 5 lignes droites puis 5 km en marchant tranquillement tout en pensant à ma course et profitant des beaux paysages. Vers midi, une douche, un bisou à tous mes proches et je pars de Cannes tout excité de rejoindre Cyril et Lolo (sa chérie) au retrait des dossards à Queige soit 500 km et 6 heures plus tard. Sur une aire d’autoroute, pour le déjeuner : un bon plat de riz, du jambon et de la compote de pomme. Au goûter : de la compote de pomme et des petits gâteaux secs. Sur la fin du trajet, la radio annonce des orages violents se dirigeant sur les Alpes, un mois de pluie en quelques heures et des tunnels et routes fermées à cause de l’eau… « ça fait flipper ».
Après nos retrouvailles sur le site du départ et n’avoir assisté qu’à la fin du briefing indiquant les changements de parcours à cause des orages, nous décidons de dîner sur Beaufort avec Cyril et Lo.
Là-bas nous finissons tout juste de trouver un restaurant pas encore complet lorsque le ciel s’assombrit et se met à gronder violemment (lumière et son quasi en simultané…).
Nous passons un bon moment tous les trois à l’abri en se disant qu’il y a de fortes probabilités que nous fassions l’UTB sous la pluie et qu’on risque même d’être stopper si les orages sont trop dangereux comme pour beaucoup en 2017. Malgré cette météo, Cyril et moi sommes motivés et heureux d’être ensemble. Nous savons que le moral serait différent si nous prenions le départ l’un sans l’autre et que nous avions des objectifs autres que celui de partir ensemble pour s’entraîner en vue de la Diagonale et finir ensemble si possible.
Nos nuits sont très courtes : Cyril a pu s’assoupir 3 heures environ dans un chalet avec Lolo (station des Saisies) et moi je n’ai réussi à dormir que 1 heure le temps d’aller à l’hôtel sur Albertville et de finir les derniers préparatifs. Je positive et me dis que ce n’est effectivement pas terrible si l’UTB était un objectif mais parfait pour notre entraînement à la Diagonale où il faudra faire avec le manque de sommeil.
J’arrive hyper motivé à 3h à Queige après 13 minutes de voiture. Dans le noir à la frontale, je prends ma traditionnelle « crème sport » d’avant course puis prépare le sac qui sera mis à ma disposition à mi-course. J’y met des vêtements de rechange, des compotes, des riz au lait, des barres de céréales, pâtes de fruit, gels, gâteaux, tucs, fruits secs,… bref tout ce qui pourrait me faire envie et du bien si non disponible sur les ravitos.
Contrairement à au moins 95% des concurrents dont mon ami Cyril, j’ai décidé de faire cette course-entraînement sans les bâtons car ils sont interdits sur la Diagonale en octobre et de partir avec un sac en surcharge d’environ 1 kg (c’est le bon moment pour tester un poids maxi) : vêtements haut et bas imperméables, 2 litres de St Yorre dans le camel-back, 2 bidons souples de 500 ml, 3 compotes, 4 barres de céréales, 3 gels, 2 pâtes de fruit, 2 lampes frontales, 1 casquette, 1 kits soins avec couverture de survie,… je garde en tête que l’UTB c’est un de mes entraînements longs et la Diagonale mon objectif.
3h30 : Cyril me rejoint pour déposer nos sacs de vie de mi-course et faire les photos d’avant course avec Olivier (triathlète de Beauvais) et Pierre (beau-frère d’Olivier et trailer confirmé).
Petit feu d’artifice, quelques mots des organisateurs, on se souhaite bonne course avec François d’Haène et sa femme qui sont juste à côté de nous (comme si ils avaient autant besoin d’encouragements que moi lol). Ces quelques minutes avant le départ sont magiques car tous les 500 participants savent que nous allons vivre une longue aventure avec des moments difficiles au cœur de paysages exceptionnels…
4h00 : c’est le départ au milieu des montagnes et autour du petit lac. De suite nous attaquons les sentiers avec des dénivelés très importants puisqu’on nous annonce un D+ de 2000m quasi non-stop dès les 20 premiers kilomètres. Pour donner une idée du dénivelé énorme : l’UTB c’est 1138 m de D+ sur les 8,5 premiers km, 2914 m de D+ sur les 31 premiers km et on termine avec environ 6600 m de D+ après 102 km.
J’adore les lumières des frontales alignées sur le parcours dans la nuit noire où on devine à peine le sommet des montagnes car le temps est très nuageux. Nous courrons sur les faux-plats montants mais randonnons sur une grosse partie des sentiers car les dénivelés sont énormes et les chemins glissants. Sur les 3 ou 4 premières heures nous ne faisons que monter sans arrêts. Nous sommes encore avec Olivier et Pierre avec qui nous faisons connaissance en parlant des courses que nous avons chacun faites jusque-là. Puis Cyril et moi faisons la course devant sans jamais se retourner en doublant dès que possible les concurrents partis un peu vite devant nous. Alors que nous arrivons sur des altitudes élevées (2400 m), petit à petit le ciel s’éclaircit et la respiration est plus difficile surtout avec cet effort continu d’ascension. Je remarque que si depuis le début mon rythme cardiaque que je contrôle très régulièrement tourne entre 120 et 130 pulsations, sur les sommets j’oscille entre 130 et 160 alors que mon allure reste la même.
Les ravitos : on en rencontre toutes les deux à trois heures environ et nous nous arrêtons avec Cyril sur tous les ravitos en mode « profitons des paysages sans compter les temps d’arrêt ».
Dès le 2ème ravito, j’éprouve le besoin de mettre de la crème anti-frottement sur tous les doigts de pieds, le dessous des pieds et sur les talons d'Achilles.
Ce rituel, je l‘effectuerai sur tout le parcours afin d’aller jusqu’au bout.
Autre rituel : avec Cyril, on se fait des petites pauses photos et dès que disponibles sur les ravitos pauses soupes avec vermicelles+Tuc trempés dedans. La soupe c’est le seul aliment chaud des ravitos et c’est très utile car les températures sont parfois fraîches.
À noter que sur certains sommets, nous devons marcher ou courir sur de la neige ou glace. Ça glisse, on tombe mais on se relève à chaque fois donc tout va bien. Quelques passages se font en rappel avec des cordes pour ne pas tomber. On alternera des sentiers de montagne avec de la roche, de l’herbe, de la terre, un peu de route et finalement des revêtements assez différents avec parfois de la boue jusqu’à l’arrivée.
Je remarque aussi que la deuxième partie du parcours (modifiée) est plutôt ennuyeuse (prêts à vaches) alors que la première partie était géniale (lac, barrage, forêt, neige,…).
65ème km : Cyril décide sagement d’arrêter et de me laisser continuer seul. Je me ravitaille, le remercie de m’avoir accompagné jusque-là malgré son manque d’entraînement pour ce type d’épreuve et je pars en mode guerrier. D’abord en marchant sur une côte de 1 km puis je trottine jusqu’en haut avant de descendre vers Haut puis Beaufort sur une allure très rapide, revenant ainsi sur de nombreux concurrents. Je regarde la montre et me dis que je vais tout faire pour ne pas finir dans les derniers. Je prends un plaisir monstre sans avoir l’impression d’avoir déjà fait 75 km.
80ème km, les jambes vont très bien mais mes pieds chauffent comme si je marchais à chaque pas sur des braises.
Je pars du ravito de Beaufort, il fait encore jour et attaque une montée continue de 5 km avec un D+ de 1000 m
Puis pour rejoindre la station de ski Les Saisies, j’affronte un D+ de 600 m sur 6 km… c’est long, très long mais je ne pense qu’à une chose : La Diagonale.
La nuit tombe lors de l’ascension et il fait nuit noire lorsque je me retrouve seul au monde au milieu des Alpes, en pleine forêt (à la merci des loups et ours lol) avec le dessous des pieds en feu m’empêchant de courir. Je marche donc sans arrêt jusqu’au ravito des Saisies où je fais le plein des gourdes et mange un peu. Au programme du reste de ma nuit, D+200m sur 3 km puis 10 km de descentes techniques souvent abruptes avec des sentiers glissants comme par exemple sous les remontées mécaniques.
À 5 km de l’arrivée, un concurrent n’a plus de lumière donc je lui propose de finir ensemble en le guidant tout le long… au bout de 10 minutes, c’est ma lampe à batterie qui s’arrête à son tour et nous nous retrouvons à deux pommés sans lumière ! Heureusement, j’avais prévu une deuxième lampe frontale (que j’ai empruntée à Damien avant de partir) et qui nous permettra d’éviter de se blesser sur la fin de l’épreuve (j’avais bien fait de demander à Patrick P. et Damien leurs lampes au cas où…En Ultra il faut prévoir l’imprévisible !).
Mon allure étant plutôt réduite puisque je ne cours presque plus, quelques coureurs me dépassent et on se motivent en se disant « bon courage » et que « l’arrivée approche ».
À 2 km de l’arrivée, on entend enfin du bruit, celui de la sono et des encouragements. Mon co-équipier de fin de course et moi revenons sur quelques coureurs qui boitent plus que nous et nous terminons tous ensemble avec le sourire et le sentiment d’avoir vraiment accompli un exploit.
Les bénévoles nous orientent alors vers le ravito final et la remise des tee-shirts finishers... ma séance longue d’entraînement se termine...
Le bilan de mon UTB 2018 :
Très content car je n’ai finalement pas eu mal à l’oreille et j'ai pu faire abstraction de mon problème de mâchoire pendant la course (otite toujours active…) pour m'alimenter.
Il faut que je trouve le moyen de résoudre mes problèmes de pieds avant la Diagonale. Je vais tester les remèdes comme le jus de citron et les pommades spéciales pour durcir la peau. J’ai aussi acheté une protection avec du gel au cas où ça ne marche pas en espérant ne pas générer d’autres problèmes comme des frottements nouveaux.
La météo : heureusement pas d’orage contrairement aux prévisions mais seulement plusieurs averses qui dureront à chaque fois quelques minutes.
Les orages de la veille ont finalement fait chuter les températures d’une dizaine de degrés ; températures sur cet UTB 2018 donc idéales pour ce type d’effort.
Les paysages sont magnifiques avec une préférence pour la première partie car les Alpages de la deuxième partie sont parfois monotones et on aimerait être agréablement surpris comme depuis le début.
L’organisation était excellente et les bénévoles étaient géniaux : un balisage sans faillent avec des centaines voire des milliers de petits drapeaux réfléchissants plantés sur tout le parcours. Des encouragements à chaque ravito avec des gens de tous âges, serviables et vous encourageant et félicitant sur tous les ravitaillements et pointages.
Heureux d’avoir fait une grosse partie avec le métronome Cyril (que je remercie encore au passage). Il m’a inspiré la sagesse en m’évitant de partir trop vite et apporté une vraie sérénité pour mon premier trail de montagne de plus de 100 km. J’aurais évidemment préféré finir avec lui main dans la main mais contrairement à moi, avec le peu d'entraînements spécifiques qu’il a fait, c’est lui qui a fait un exploit de courir 65 km comme ça (on reconnaît bien là l’athlète expérimenté de haut niveau).
Je suis content aussi que Olivier et Pierre aient pu finir ensemble malgré une blessure au pied pour Olivier (bravo).
Voilà : un bon entraînement avec 21h15 d’effort, une place de 192ème en mode cool et mon avant-dernière étape validée avant la dernière charge d’entraînement et mon objectif 2018 à La Réunion où je retrouverai Cyril, Lionel et Francisco.
Giovanni
Petite vidéo de l'UTB 2018 où on m'aperçoit alumer ma frontale...