Pour la deuxième année consécutive, j’ai lancé un défi pour le téléthon. Le concept est simple : plus la somme d’argent récoltée sera importante, plus la distance que je devrais parcourir en courant sera grande.
Pour ce défi, j’ai choisi l’ÉcoTrail de Paris, le 17 mars 2018. Plusieurs distances possibles : 18 kms, 30 kms, 45 kms, et 80 kms avec arrivée au premier étage de la Tour Eiffel. Plusieurs paliers sont établis pour définir la distance.
Après une belle récolte grâce à de nombreux et généreux donateurs, le verdict tombe : ce sera le trail de 45 kms avec 900m de dénivelé positif. Je n’ai qu’un trail à mon actif, de 22 kms, et je n’ai jamais couru plus de 25 kms. Le défi qui s’offre à moi est immense, mais cela ne me fait pas peur.
Je décide de commencer ma préparation 3 mois avant, mi décembre, juste après avoir terminé ma première saison de cross. La préparation va malheureusement vite être stoppée, une douleur au genou de plus en plus présente me pousse au repos. Au final, le mois de janvier ne sera que repos et tests de reprise non concluants. La reprise de la préparation sera pour début février, et je dois avouer que repartir de zéro à six semaines de l’échéance ne me rassure pas. Mais qu’importe, je vais me donner à fond pour aller au bout le jour J. Terminer, c’est le seul objectif.
Après une semaine de reprise en douceur, le genou semble tenir le coup. Je peux donc reprendre une préparation digne de ce nom. Je ne suis pas de plan d’entraînement comme la plupart, je préfère y aller au feeling. Les séances s’enchaînent bien, le genou répond présent, le niveau revient petit à petit, la confiance avec. Me voilà reparti sur de bonnes bases !
Le gros test de la préparation sera une sortie de 3h. Sortie qui doit me rassurer sur l’effort de longue durée. La sortie se passe bien, accompagné ( et heureusement d’ailleurs, merci à ce partenaire d’entraînement ) pendant 1h20 au cœur de la séance, mais les 30 dernières minutes furent terriblement dures. J’ai terminé en étant vidé comme jamais je ne l’ai été. Absolument pas rassurant pour la suite. J’essaye de garder la confiance intacte, mais ce n’est pas évident. La préparation se poursuit, je commence à relâcher la charge d’entraînement à mesure que l’échéance approche, je chasse les quelques doutes qui tentent de s’immiscer dans mon esprit, et je termine cette préparation par une semaine très calme avec un repos presque complet.
La veille au soir, je récupère mon dossard, grâce à Giovanni, le super président du club qui est allé le chercher à Paris pour moi. Je prépare mes affaires, tout est ok. Il n’y a plus qu’à...
Samedi 17 mars, on y est, c’est le jour J. Il faut aller jusqu’au Château de Versailles pour prendre le départ. L’idée de prendre les transports pour y aller, ainsi que les prendre à nouveau pour rentrer, ne me plaît pas vraiment. Cette logistique du transport peut être quelque chose de pesant juste avant une course, et je pense qu’il est important de garder son influx nerveux pour la course. Heureusement, je n’aurai pas à gérer cette logistique, quelqu’un m’accompagne au départ et me récupère à l’arrivée. Cette personne sera également là sur plusieurs points de passages et aux ravitaillements. Vous l’aurez compris, je n’étais pas seul sur cette course. Nous étions 3. Matthieu, qui gérait le suivi de la course sur notre page Facebook, Maxence, qui a donc fait l’accompagnateur mais aussi le reporter sportif, le cameraman, le photographe, et qui a également géré mes ravitaillements, et donc moi, qui courais.
On arrive à Versailles vers 10h, le premier départ est pour 10h45, on est dans les temps, c’est parfait. Je récupère mon sac avec ma réserve de boisson énergisante et de barres énergétiques, je cherche mon dossard... et là, c’est le drame. Je ne le trouve pas. Je l’ai laissé dans ma voiture. Comment est-ce possible ? Je m’en veux, mais il n’y a pas de solution miracle, alors tant pis. On apprend de ses erreurs paraît-il. Je n’oublierai plus jamais un dossard, c’est certain. Je vais donc courir sans dossard. Je ne serais pas classé, je ne profiterais pas des ravitaillements ni des services d’après course ( douche, massage, repas... ). Tant pis pour moi, il faut vite que je me reconcentre sur la course. Sur la ligne de départ, je retrouve Mr Enduroman, Cyril Blanchard. J’avais partagé un entraînement trail le 31 décembre avec lui, et ça fait du bien de voir une tête connue avant le départ. Quelques mots rassurants de sa part avant de partir m’aident à relativiser et à ne penser qu’à une chose : prendre du plaisir. Après une énième petite crampe ( j’en ai eu plusieurs dans la voiture en venant... ), me voilà prêt à partir... PAN ! Le départ est donné ! Me voilà donc parti pour 45 kms et 900m de dénivelé positif. Il fait frais mais c’est supportable.
Je suis Cyril sur les 500 premiers mètres, puis je le laisse filer et je me mets dans ma bulle. À partir de maintenant, plus rien ne pourra me perturber.
Je n’ai jamais fait de longues distances, du coup je ne sais pas trop comment gérer la course... vu le profil, je me dis qu’il faudrait que je m’amuse, que je me lâche sur les 15 premiers kms, que je gère sur les 20 suivants, et que je déroule les jambes sur les 10 derniers kms, qui sont nettement plus faciles. Reste à savoir si les jambes répondront correctement pour ces 10 derniers kms.
Les premiers kms sont plats, parfait pour une mise en jambe. Je vais un peu plus vite que prévu, mais c’est toujours comme ça avec l’adrénaline de la course. Et puis je préfère prendre un peu d’avance plutôt qu’un peu de retard. Je me suis fixé un objectif pour cette course : finir en moins de 5h. Alors pas de temps à perdre ! Les kilomètres s’enchaînent bien, et je passe les premières difficultés avec facilité, quand d’autres concurrents marchent quand le chemin s’élève un peu. Tant que j’ai du gaz dans les jambes, j’essaierai de ne pas marcher quand ça monte, et je me lâcherai dans les descentes.
Je cours exceptionnellement avec mon téléphone, pour que Maxence puisse me joindre pour savoir où j’en suis. Pour me retrouver sur le parcours et pour transmettre les infos à Matthieu qui assure le suivi sur Facebook.
Maxence m’appelle une première fois, après un peu plus d’une heure de course, tout se passe bien pour moi, et il me dit qu’il sera prochainement au bord de la route pour me voir. C’est top, ça fait du bien de ne pas se sentir seul. Sauf que je vais trop vite pour lui ! Il est arrivé sur le bord de la route peu après mon passage, alors il file à un autre point stratégique.
Les conditions climatiques commencent à se dégrader, la pluie faisant son apparition, le froid étant là depuis le début, et un petit vent frais se fait également ressentir par moment. Le terrain devient donc glissant et, dans une zone boueuse, c’est la chute. Heureusement que je tombe sur de la terre et pas du bitume. Je me fais mal au genou, mais ça va, rien de dramatique.
Je croise Maxence après plus de 19 kilomètres, qui prend une première vidéo, qui me glisse quelques mots d’encouragement, ça fait plaisir. Je suis encore en pleine bourre, mais ça ne va plus durer. Encore un ou deux kilomètres comme ça, et tout rentrera dans l’ordre. Je vais passer dans la partie la plus difficile : la gestion de la course. Ça devient difficile, comme prévu. Je suis déjà surpris d’avoir tenu ce rythme si longtemps. Maintenant il va falloir se gérer, et surtout ne pas douter quand ce sera vraiment dur, car le piège est là. Si tu te poses des questions, si tu te dis que tu n’as pas fait la préparation comme tu le souhaitais, si tu te dis que tu as du mal et que tu n’as fait que la moitié, tu es foutu. Heureusement, il y a des événements venus de nulle part, qui te redonnent de l’énergie. Comme cette personne qui envoie plein de messages sur la page Facebook pour savoir où se trouve la lignée d’arrivée, pour venir me faire la surprise d’être là. Et les messages envoyés sur la page Facebook arrivent sur mon téléphone. Ça n’arrête pas de sonner, mais je ne regarde pas. Et puis dans un moment de difficulté, je cherche à savoir qui m’a dérangé en plein effort. Je vois donc les messages, et je trouve une motivation supplémentaire pour ne rien lâcher. Ce genre de détail qui fait la différence, qui te donne plus d’énergie qu’une barre prévue à cet effet. C’est beau.
J’arrive au premier ravitaillement, et à l’entrée un bénévole me demande où est mon dossard. Sous le coup de la panique, j’ai bafouillé " euh... je l’ai perdu ! " et je continue sans m’arrêter au ravitaillement. Je sors de la zone, et j’entends crier. J’ai peur que le bénévole veuille me stopper car je n’ai pas de dossard. Je tourne brièvement la tête et continue mon chemin avant de me rendre compte que c’était Maxence qui m’appelait. Il m’attendait au ravitaillement et je ne l’ai même pas vu. Je lui dis que tout va bien, mais il voit que ce n’est pas vrai, et il a bien raison. Je repars et d’ailleurs, 300m plus loin, je m’arrête car je sens que je commence à avoir du mal. Je souffle, mange, reprends mes esprits et repars tranquillement. La neige fait son apparition, Noël en mars, c’est formidable. Je suis content comme un enfant qui voit les cadeaux au pied du sapin !
Je croise un bénévole, je lui demande s’il neige vraiment ou si c’est mon décodeur canal + qui déconne. J’arrive à faire des blagues, c’est que ça va mieux ! Je suis toujours dans la gestion, l’allure n’est pas rapide, je ne force plus dans les montées, la foulée est un peu lourde et écrasée, mais j’ai quelques peu retrouvé mes esprits et c’est bien là l’essentiel.
Maxence me retrouve après 29 kilomètres, il court quelques mètres avec moi, tout en filmant et en me glissant quelques mots. Je lui réclame mes chaussures et de quoi manger pour le second ravitaillement. Quelle aide précieuse d’avoir quelqu’un qui vous suit tout le long de la course !
Il reste encore 6-7 kilomètres de difficultés avant d’arriver au second ravitaillement et d’avoir une fin de course plus agréable.
Il commence vraiment à faire froid, mes affaires sont trempées comme si je venais de me baigner, la boue arrive jusqu’aux chevilles, parfois il y a des ruisseaux d’eau, la neige est toujours présente, les conditions sont dantesques ! Mais rien de tout ça ne m’empêchera d’aller au bout, et de le faire en moins de 5h. Je continue à gérer tranquillement, et j’arrive au deuxième ravitaillement ( en marchant, il était en haut d’une belle côte ). Cette fois-ci je prends le temps de souffler un peu. Je change mes chaussures, je discute un peu avec Maxence, et je plaisante avec une bénévole : tout va bien. En changeant de chaussures, en passant des chaussures de trail, lourdes et rigides, à des chaussures de running légères et souples, j’ai l’impression de déposer la fatigue des jambes et de repartir avec des jambes neuves. C’était le but recherché mais je ne pensais pas que ce serait criant à ce point. Je repars frais comme un gardon, et il n’y a plus que 10 kilomètres à boucler. Cette fois-ci c’est bon, j’irai au bout, et probablement en moins de 5h, sauf problème.
Les deux kilomètres après le ravitaillement sont techniquement compliqués car nous sommes encore en forêt, et du coup ça glisse un peu avec les running, mais j’arrive quand même à bien courir.
Me voilà enfin sur les quais. Pas la partie la plus excitante de la course, le temps, les voitures, ça n’aide pas à apprécier Paris, et puis ce n’est pas le plus bel endroit de Paris. Mais qu’importe, les jambes vont mieux alors je cours de façon plus relâchée et je cherche cette Tour Eiffel qui doit m’indiquer le chemin de la délivrance.
Mon téléphone est trempée, le tactile ne répond plus, du coup je ne répond plus et je loupe deux appels de Maxence. J’espère qu’avec Matthieu ils ne vont pas s’inquiéter, parce que tout va bien pour moi.
J’aperçois la Tour Eiffel cachée dans les nuages de neige, on ne voit même pas le haut. L’arrivée est proche, ça sent bon !
Et puis Maxence est là, sur la fin du parcours, pour courir les 1500 derniers mètres avec moi. On y va tranquillement, on fait une vidéo, on discute, on marche un peu, j’en oublierai presque que je fais une course !
Un dernier virage, et je vois l’arche au bout de la ligne droite. Une dernière vidéo en live, et je termine la course, largement en moins de 5h. 4h36’51" pour être précis. Tiens, ces chiffres m’évoquent quelque chose... Ah oui, c’est le pronostique que Maxence m’avait fait le matin dans la voiture. Au top jusqu’au bout l’ami !
Malgré l’absence de dossard, j’arrive à récupérer le t-shirt de finisher. Je ne suis pas classé du coup, mais en regardant les résultats, mon chrono me permettrait d’apparaître à la 224e place du classement, sur 1394. Je suis extrêmement surpris, car vu le manque d’entraînement, je trouve le résultat très correct. Et je vais vous faire deux petites confidences, qui n’ont rien à voir avec de la prétention : j’aurais pu forcer un peu plus, et s’il y avait eu 5 ou 10 kilomètres de plus, j’aurais pu les faire sans problème. J’étais relativement frais à mon arrivée.
Par contre, une fois la course finie, l’adrénaline qui redescend, le froid, la fatigue, les vêtements mouillés, je me suis vite senti mal.
Je suis donc parti lire tous les messages reçus pendant la course, tous les commentaires, tous les encouragements. Et ma véritable récompense est là : voir tout ce soutien, tous ces messages d’attention, ça fait vraiment chaud au cœur. Se dire qu’on court pour la bonne cause, pour mobiliser les gens, et voir que oui, ils sont mobilisés, ça vous conforte et vous donne envie de continuer. Alors je tiens à remercier une nouvelle fois tous les donateurs, tous ceux qui m’ont soutenu, et ceux qui ont cru en moi, mais également ceux qui n’ont pas cru en moi, car c’est aussi grâce à eux et ma volonté de leur donner tort que je progresse.
Je sors de cette course grandit, plus fort qu’avant, plus heureux et épanoui aussi, car on apprend beaucoup sur soi en courant 4h36, bien que cela soit passé finalement beaucoup plus vite que prévu. Oui, aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’ai pas vu le temps passer...
C’était une expérience incroyable, et j’ai hâte d’être au prochain défi téléthon !
Je terminerai en vous faisant part de ma satisfaction. Satisfaction d’avoir été au bout avec un chrono intéressant. Satisfaction de la réussite de ce défi et de la mobilisation qui va avec.
Et enfin, une satisfaction beaucoup plus personnelle... celle de voir un message de mon père disant qu’il était fier de moi... Tout ce que j’entreprends dans ma vie, je le fais dans l’espoir de rendre fier mon père. Alors ce 17 mars 2018, l’émotion était au rendez-vous...
Vincent M.